En l’espèce, un patient est décédé le 12 décembre 2005 au sein d’un centre hospitalier universitaire. Alors que la famille avait réclamé le corps pour procéder aux obsèques, une erreur d’identification, survenue le 13 décembre 2005 à la chambre mortuaire de ce centre hospitalier a occasionné la mise en bière d’une autre personne décédée alors que, par inadvertance, le patient avait déjà été inhumé à l’insu de sa famille. Cette erreur d’identification a été commise par le personnel du centre hospitalier en charge de la présentation du corps, lequel personnel n’a pas procédé ou insuffisamment procédé à la vérification de l’identité des défunts. Le tribunal administratif a considéré que cette inversion de corps, dommageable pour la famille du patient décédé, est dès lors imputable à une faute du centre hospitalier universitaire dans l’organisation et le fonctionnement du service hospitalier. Par suite, le tribunal a estimé que les fils et les petites-filles du défunt étaient fondés à demander réparation du préjudice moral qu’ils ont subi à la suite de la faute du centre hospitalier. Compte tenu des conditions de mise en bière et d’inhumation du patient décédé, le centre hospitalier universitaire a ainsi été condamné à verser à la veuve et au fils du défunt une somme de 4 000 € chacun et à ses petites filles une somme de 1 000€ chacune à titre de réparation de leur préjudice moral.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE CLERMONT-FERRAND N° 081474 Audience du 21 avril 2009 |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand
(1ère Chambre)
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Vu la requête, enregistrée le 28 août 2008, présentée pour :
- Mlle , demeurant (...) ;
- Mme épouse , demeurant (...) ;
- M. , demeurant (...) ;
- Mme , demeurant (...), par Me Petit ; Mlle et autres demandent au Tribunal :
- de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à les indemniser en réparation du préjudice moral qu’ils ont subi suite à la faute qu’il a commise en inversant la dépouille mortelle de M. X avec celle d’un autre défunt ;
- de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 250 euros à verser à chacun des requérants sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2008, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par son directeur général en exercice, par Me Regnoux ; le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand conclut au rejet des prétentions indemnitaires des requérants et à ce que les sommes à allouer au titre de la réparation du préjudice ne puissent dépasser 2 000 euros pour Mme , veuve de M. X, et M. , fils du défunt, et 1 000 euros pour Mme épouse et Mlle , petites-filles du défunt ;
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Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 avril 2009 :
- le rapport de M. L'hirondel ;
- les observations de M. Petit, avocat de Mlle et autres ;
- les observations de Me Libert, substituant Me Regnoux, avocat du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ;
- et les conclusions de M. Drouet, rapporteur public ;
Après avoir invité les parties ou leurs représentants à présenter de brèves observations ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :
Considérant que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 28 août 2008, Mlle et autres demandent au Tribunal à être indemnisés des différentes souffrances qu’ils ont dû subir à raison de la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand suite à une inversion de dépouilles mortelles ; que les requérants entendent ainsi être indemnisés du préjudice moral dont la faute qu’ils imputent au centre hospitalier est la cause, ce qu’ils demandent, au demeurant, expressément dans leur mémoire enregistré le 9 février 2009 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et tirée du défaut de précision du préjudice dont les requérants demandent réparation ne peut être qu’écartée ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2223-39 du code général des collectivités territoriales : « Les établissements de santé publics ou privés qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat doivent disposer d'une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées. (…) » et qu’aux termes de l’article R. 2223-91 du même code : « Sous réserve de l'article R. 2223-92, les établissements de santé publics ou privés doivent gérer directement leurs chambres mortuaires. » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté, que M. X est décédé le 12 décembre 2005 au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand sur le site de l’Hôpital Nord de Cébazat ; qu’alors que la famille avait réclamé le corps pour procéder aux obsèques, une erreur d’identification, survenue le 13 décembre 2005 à la chambre mortuaire de ce centre hospitalier, a occasionné la mise en bière d’une autre personne décédée alors que, par inadvertance, M. Xavait déjà été inhumé à l’insu de sa famille ; que cette erreur d’identification a été commise par le personnel du centre hospitalier en charge de la présentation du corps, lequel personnel n’a pas procédé ou insuffisamment procédé à la vérification de l’identité des défunts ; que cette inversion de corps, dommageable pour la famille de M. X est dès lors imputable à une faute du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand dans l’organisation et le fonctionnement du service hospitalier ; que, par suite, Mme , M. , Mme épouse et Mlle , respectivement veuve, fils et petites-filles du défunt, sont fondés à demander réparation du préjudice moral qu’ils ont subi à la suite de la faute du centre hospitalier ;
Sur la réparation :
Considérant que les requérants demandent à ce que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand verse une somme de 10 000 euros chacun à Mme , veuve de M. X et M. , fils du défunt, et une somme de 8 000 euros chacune à Mme épouse et Mlle , petites-filles du défunt en raison du préjudice moral que leur a causé la faute du centre hospitalier ;
Considérant que les requérants font valoir, sans être utilement contestés, que la faute commise par le centre hospitalier s’est produite alors que M. X avait déjà été, malencontreusement, inhumé ; que l’inversion des corps n’ayant été constatée qu’au moment de la mise en bière, ils se sont alors présentés à la chambre mortuaire du centre hospitalier et ont constaté l’absence de la dépouille de M. X après avoir ouvert tous les tiroirs ; que, faute de corps, la cérémonie religieuse n’a pu se dérouler alors que la famille et les proches du défunt attendaient à l’église ; qu’il a fallu procéder, par la suite, à l’exhumation de la dépouille de M. X et à une nouvelle inhumation ; qu’ainsi compte tenu des conditions de mise en bière et d’inhumation de M. Emile Bernard, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la veuve, le fils et les petites-filles du défunt en allouant à Mme et M. , une somme de 4 000 euros chacun et à Mme épouse et Mlle , une somme de 1 000 euros chacune ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander à ce que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit condamné à leur verser ces sommes à titre de réparation de leur préjudice moral résultant des conditions d’inhumation de M. X dont la cause est due à l’erreur commise par le personnel du centre hospitalier Nord de Cébazat en raison de l’inversion de dépouilles mortelles ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'il y a lieu de mettre globalement à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mlle et autres et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à payer à Mme la somme de 4 000 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à payer à M. la somme de 4 000 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à payer à Mme épouse la somme de 1 000 euros.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à payer à Mlle la somme de 1 000 euros.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera globalement aux requérants la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mlle , à Mme épouse , à M. , à Mme et au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.
Délibéré après l’audience du 21 avril 2009, à laquelle siégeaient :
M. Lamontagne, premier conseiller faisant fonction de président en application des dispositions de l’article R. 222-17 du code de justice administrative,
M. Chacot, premier conseiller,
Lu en audience publique le 5 mai 2009.
Le rapporteur,
M. L’HIRONDEL |
Le premier conseiller faisant
fonction de président, F. LAMONTAGNE |
C. LAPIERRE
La République mande et ordonne au préfet du Puy-de-Dôme en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
P/ Le Greffier en Chef,
Le Greffier,