Cet avis de la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation est intéressant en ce qu'il souligne que "il est établi que le patient a clairement manifesté sa volonté de ne pas être traité et de rentrer chez lui. Cette volonté n'a pas été respectée par l'équipe médicale. Il y a lieu de le regretter tout en reconnaissant qu'il ne pourrait s'agir là que d'un manquement à l'éthique sans impact sur le décès du patient".
La commission conclut à l'absence de manquement de nature à engager la responsabilité de l'établissement de santé, à ce que les conditions d'indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas remplies et donc au rejet de la demande d'indemnisation formulée par l'ayant droit du patient décédé.
N° dossier :09-075-c-0359
LA COMMISSION REGIONALE DE CONCILIATION ET D'INDEMNISATION D'ILE DE FRANCE REUNIE EN FORMATION DE REGLEMENT AMIABLE
le 14JUIN 2011
- Vu le code de la santé publique en notamment ses articles L. 1142-1 I et II à L. 1142-24, D. 1142-1 à D. 1142-3 et R. 1142-13 à R. 1142-18 ; également l'arrêté du 4 mars 2003 relatif aux pièces justificatives à joindre à une demande présentée à une Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; le règlement intérieur de la Commission et notamment son article 20 ;
- Vu la demande d'indemnisation présentée à la Commission le 9 juin 2009 et réputée complète le 18 mai 2010, par Monsieur A, - demeurant … agissant en qualité d'ayant droit de Monsieur B, victime directe, décédé, et mettant en cause le CH … situé …;
- Vu les pièces versées au dossier ;
- Vu la désignation le 9 juillet 2010, comme expert, du Docteur X, réanimateur infectiologue ;
- Vu le rapport d'expertise remis le 18 octobre 2010 ;
- Vu la procédure suivie pour l'examen de ladite demande ;
- Vu les observations écrites des parties ;
Après avoir entendu en séance le rapport de présentation du dossier par Madame Françoise AVRAM, présidente de la commission et les observations orales de Monsieur A;
Et après en avoir délibéré, dans la formation suivante : (...)
A diligenté une expertise aux fins d'émettre un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable.
Les éléments qui résultent du rapport d'expertise, des pièces versées au dossier et des débats devant la commission sont les suivants :
Les circonstances :
Monsieur B, âgé de 86 ans, consulte son médecin traitant pour une perte de poids avec altération de l'état général. Une radiographie thoracique met en évidence le 22 novembre 2008, de multiples lésions bilatérales compatibles avec des métastases en « lâcher de ballons ». Une échographie abdominale montre un foie multinodulaire.
Monsieur B est hospitalisé le 24 novembre 2008 aux urgences du Centre Hospitalier ... puis transféré en médecine interne où apparaît le 26 novembre, une hémorragie digestive haute. Une fibroscopie révèle 4 ulcères fatidiques et la biopsie conclut à un lymphome non hodgkinien diffus à grandes cellules de phénotype B. Le bilan d'extension de ce lymphome confirme les multiples localisations hépatiques et thoraciques.
A l'issue d'une réunion multidisciplinaire, une chimiothérapie est proposée au patient qui, le 22 décembre 2008, exprime à l'équipe de soins palliatifs, le « désir de retourner à son domicile et de ne pas recevoir de chimiothérapie ».
Cependant, le 24 décembre 2008, une intervention est réalisée pour la pose d'un portacath par voie veineuse jugulaire interne droite. Le 25 décembre, il est noté : « confus+++ veut sortir de l'hôpital, patient dit ne pas vouloir être soigné, ne veut pas de traitement ». La conclusion de l'examen est « confusion agitation : Equanil prescrit, chimiothérapie à débuter demain, avis EMASP » (soins palliatifs). La première chimiothérapie a lieu le 26 décembre.
Le 29 décembre, l'équipe de soins palliatifs voit à nouveau Monsieur B. Il est noté une agitation et la nécessité d'une contention physique.
Le 3 janvier 2009, apparaît un syndrome fébrile. La plaie en regard de la chambre implantable est propre. Les 4 et 5 janvier, l'interne de garde des Urgences est appelé pour détresse respiratoire et confusion. Le 6 janvier, la détresse respiratoire s'aggrave et un état de choc apparaît. Le patient est transféré en réanimation, intubé et ventilé. Le sepsis grave est en rapport avec une pneumopathie polymicrobienne (Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, Hemophilus influenzae, Neisseria sp).
La chambre implantable est retirée le 7 janvier. Un Staphylococcus epidermidis résistant à la méticilline est retrouvé dans une seule hémoculture périphérique et à la culture de la chambre implantable mais avec des concentrations peu élevées. Une antibiothérapie est instaurée. L'évolution des défaillances est favorable ;
Le patient est transféré le 23 janvier 2009 en médecine. Le 26 janvier, un nouvel épisode fébrile survient ainsi qu'une décompensation respiratoire progressive.
Monsieur B décède le 29 janvier 2009.
Les causes du dommage allégué et le lien de causalité avec l'acte :
Monsieur B est décédé des suites d'une détresse respiratoire dans un contexte d'altération de l'état général due à un lymphome non hodgkinien diffus à grandes cellules avec extension pulmonaire et hépatique, de très mauvais pronostic à court terme. Les conséquences de cette maladie sous-jacente très évoluée et très évolutive ont encore été aggravées par les effets indésirables de son traitement et notamment du traitement sédatif rendu nécessaire par les troubles du comportement qui ont fait suite à la chimiothérapie.
Sur la responsabilité du Centre Hospitalier ...
La prise en charge thérapeutique de Monsieur B était médicalement justifiée dans l'objectif de tenter de stabiliser son lymphome.
Cependant, il est établi que le patient a clairement manifesté sa volonté de ne pas être traité et de rentrer chez lui. Cette volonté n'a pas été respectée par l'équipe médicale du Centre Hospitalier ... . Il y a lieu de le regretter tout en reconnaissant qu'il ne pourrait s'agir là que d'un manquement à l'éthique sans impact sur le décès du patient.
En conséquence, l'équipe soignante du Centre Hospitalier ... n'a commis aucun manquement de nature à engager la responsabilité de cet établissement.
Sur les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
Il ressort de ce qui précède que le décès de Monsieur B est essentiellement imputable à son état antérieur.
En conséquence, le dommage en cause n'étant pas directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, les conditions d'indemnisation par la solidarité nationale telles qu'elles résultent de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies.
Le régime d'indemnisation :
Il résulte des éléments ci-dessus exposés que, la responsabilité de l'établissement de santé mis en cause n'étant pas engagée et le dommage en cause ne remplissant pas les conditions ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale, la demande d'indemnisation de Monsieur A ne peut être accueillie.
Article 1: La demande d'indemnisation présentée par Monsieur A est REJETEE.
Article 2 :cet avis sera notifié aux personnes suivantes :
à Monsieur A
assureurs du CHU ...
ONIAM