Saisi par le Conseil d’Etat au mois de février de quatre Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel vient de censurer dans sa décision en date du 20 avril 2012, deux dispositions de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Ces dispositions concernent les conditions particulières de mainlevée par le juge des libertés et de la détention ou le préfet des soins sur décision du représentant de l’Etat pour les personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou hospitalisé en unité pour malades difficiles (UMD). Il reporte l’abrogation de ces dispositions jusqu’au 1er octobre 2013. Il estime que ces dispositions auraient dues présenter des garanties contre le risque d’arbitraire. Il estime ainsi qu’ « aucune autre disposition législative n’encadrent les formes et ne précisent les conditions dans lesquelles une telle décision est prise par l’autorité administrative » et qu’une telle hospitalisation « est imposée sans garanties légales suffisantes ». De même, il précise que ces dispositions entraînent « des règles plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes admises en hospitalisation complète, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins », ce qui est contraire à la Constitution.
En revanche, le Conseil constitutionnel valide deux autres dispositions de la loi concernant le suivi ambulatoire sous contrainte et le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention six mois après une mesure d’hospitalisation sous contrainte.
ASSOCIATION CERCLE DE RÉFLEXION
ET DE PROPOSITION D'ACTIONS SUR LA PSYCHIATRIE
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 février 2012 par le Conseil d'Etat (décision n° 352667-352668 du 8 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, du paragraphe II de son article L. 3211-12, du 3° du paragraphe I de son article L. 3211-12-1 et de son article L. 3213-8.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ;
Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SELARL Mayet et Perrault, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 23 février et le 12 mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er et le 16 mars 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association Groupe information asiles par Me Corinne Vaillant, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 28 février 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Raphaël Mayet et Me Gaelle Soulard pour l'association requérante, Me Vaillant pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier désigné par le Premier Ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 10 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 juillet 2011 susvisée : « Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est prise en charge :
« 1° Sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code ;
« 2° Sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type.
« Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un programme de soins est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce programme de soins ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient, afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé.
« L'avis du patient est recueilli préalablement à la définition du programme de soins et avant toute modification de celui-ci, à l'occasion d'un entretien avec un psychiatre de l'établissement d'accueil au cours duquel il reçoit l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11.
« Le programme de soins définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat » ;
2. Considérant que l'article L. 3211-12 du même code, dans la rédaction résultant de cette même loi, dispose que le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans le consentement du patient ; qu'aux termes du paragraphe II de cet article : « Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code :
« 1° Lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou qu'elle fait l'objet de soins en application de l'article L. 3213-1 du présent code et qu'elle a déjà fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait l'objet de soins en application de l'article L. 3213-1 du présent code et qu'elle fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat, d'une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l'article L. 3222-3.
« Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du présent II, le juge ne peut en outre décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« Le présent II n'est pas applicable lorsque les mesures de soins mentionnées aux 1° et 2° ont pris fin depuis au moins dix ans » ;
3. Considérant qu'aux termes du 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 du même code, dans sa rédaction résultant de cette même loi, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du titre Ier du livre II de la troisième partie du même code ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du même titre, de son article L. 3214-3 ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, n'ait statué sur cette mesure : « Avant l'expiration d'un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application des articles L. 3211-12 ou L. 3213-5 du présent code ou du présent article, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai sur le fondement de l'un des mêmes articles 706-135 du code de procédure pénale, L. 3211-12 ou L. 3213-5 du présent code ou du présent article fait courir à nouveau ce délai » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-8 du même code, dans sa rédaction résultant de cette même loi : « Le représentant de l'Etat dans le département ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques qu'après avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 ainsi qu'après deux avis concordants sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres choisis dans les conditions fixées à l'article L. 3213-5-1 :
« 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet d'une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat, d'une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l'article L. 3222-3 du présent code.
« Le présent article n'est pas applicable lorsque les mesures de soins mentionnées aux 1° et 2° ont pris fin depuis au moins dix ans.
« Le représentant de l'Etat dans le département fixe les délais dans lesquels les avis du collège et des deux psychiatres mentionnés au premier alinéa doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, le représentant de l'Etat prend immédiatement sa décision. Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d'Etat » ;
5. Considérant que l'association requérante conteste, en premier lieu, le régime des soins psychiatriques sans consentement ordonnés en dehors de l'hospitalisation complète selon les modalités prévues par l'article L. 3211-2-1, en deuxième lieu, le délai prévu par le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1, pour le réexamen, par le juge des libertés et de la détention, des mesures d'hospitalisation complète ordonnées ou prolongées par décision judiciaire et, en troisième lieu, le régime dérogatoire, prévu par le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213-8, applicable à la mainlevée des mesures de soins des personnes reconnues pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles ;
Sur les normes de constitutionnalité applicables :
6. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ;
7. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles, dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
8. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ;
Sur l'article L. 3211-2-1 :
9. Considérant que, selon l'association requérante, en permettant que des soins psychiatriques comportant notamment des « séjours effectués dans un établissement » puissent être imposés à une personne sans que ces soins fassent l'objet d'un contrôle systématique par une juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique méconnaissent la protection constitutionnelle de la liberté individuelle ;
10. Considérant que la loi du 5 juillet 2011 susvisée a permis qu'une personne puisse être soumise à des soins psychiatriques sans son consentement soit sous la forme d'une « hospitalisation complète », soit « sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement » psychiatrique et, le cas échéant, des séjours effectués dans un tel établissement ; que si l'article L. 3211-12 du code de la santé publique prévoit que le juge des libertés et de la détention peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée sans le consentement de la personne qui en fait l'objet, il résulte du premier alinéa de l'article L. 3211-12-1 du même code que seules les mesures de soins psychiatriques ordonnées sous la forme de l'hospitalisation complète ne peuvent se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur leur maintien ;
11. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement n'est pas prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète, un « programme de soins » est établi par un psychiatre de l'établissement ; que l'avis du patient est recueilli préalablement à la définition et avant toute modification de ce programme, à l'occasion d'un entretien au cours duquel il reçoit l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11 ; que le second alinéa de l'article L. 3211-11 du code de la santé publique dispose que, lorsque le psychiatre constate que la prise en charge sous la forme ambulatoire ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état, il « transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète » ; que le dernier alinéa de l'article L. 3212-4 et le paragraphe III de l'article L. 3213-3 fixent les modalités selon lesquelles une prise en charge au titre du 2° de l'article L. 3211-2-1 peut être modifiée à cette fin ;
12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en permettant que des personnes qui ne sont pas prises en charge en « hospitalisation complète » soient soumises à une obligation de soins psychiatriques pouvant comporter, le cas échéant, des séjours en établissement, les dispositions de l'article L. 3211-2-1 n'autorisent pas l'exécution d'une telle obligation sous la contrainte ; que ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours en établissement prévus par le programme de soins ; qu'aucune mesure de contrainte à l'égard d'une personne prise en charge dans les conditions prévues par le 2° de l'article L. 3211-2-1 ne peut être mise en œuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la violation de la liberté individuelle manque en fait ;
13. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 3211-2-1 et des articles L. 3212-1 et L. 3213-1 qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être soumise sans son consentement à des soins dispensés par un établissement psychiatrique, même sans hospitalisation complète, que lorsque « ses troubles mentaux rendent impossible son consentement » à des soins alors que « son état mental impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante » ou lorsque ces troubles « nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public » ; qu'en tout état de cause, le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment, dans les conditions fixées par l'article L. 3211-12, aux fins d'ordonner à bref délai la mainlevée immédiate d'une telle mesure ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a assuré, entre la protection de la santé et la protection de l'ordre public, d'une part, et la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, d'autre part, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 :
15. Considérant que selon l'association requérante, en prévoyant que les mesures d'hospitalisation complète puissent se prolonger pendant une durée maximale de six mois sans réexamen systématique par une juridiction de l'ordre judiciaire, le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique méconnaît les exigences de l'article 66 de la Constitution ;
16. Considérant que, dans ses décisions des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011 susvisées, le Conseil constitutionnel a jugé que le maintien de l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction judiciaire méconnaissait les exigences de l'article 66 de la Constitution ; qu'à la suite de ces décisions, la loi du 5 juillet 2011 susvisée a, notamment, inséré dans le code de la santé publique un article L. 3211-12-1 ; que les trois premiers alinéas du paragraphe I de cet article prévoient que l'hospitalisation complète d'un patient résultant d'une décision d'une autorité administrative ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de quinze jours ;
17. Considérant que le 3° de ce même paragraphe I dispose que toute mesure d'hospitalisation ordonnée par une juridiction en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale ou sur laquelle le juge des libertés et de la détention s'est déjà prononcé dans les conditions prévues par le code de la santé publique ne peut se poursuivre sans que le juge n'ait statué sur la mesure avant l'expiration d'un délai de six mois ; que ces dispositions imposent ainsi un réexamen périodique, au maximum tous les six mois, des mesures de soins sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète sur lesquelles une juridiction judiciaire s'est déjà prononcée ; que les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que le juge des libertés et de la détention puisse être saisi à tout moment aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure ; que, par suite, en adoptant ces dispositions, le législateur a assuré, entre les exigences de l'article 66 de la Constitution et l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213-8 :
19. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 se rapporte à l'obligation de soins ordonnée par le représentant de l'Etat lorsque celui-ci est avisé par les autorités judiciaires que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public ; que l'article L. 3213-8 n'est applicable que lorsqu'une personne fait ou a fait l'objet, dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs, d'une mesure « d'hospitalisation » ordonnée par le représentant de l'Etat ;
20. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213-8 intéressent les personnes faisant ou ayant fait l'objet, au cours des dix dernières années, soit d'une mesure d'admission en soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement psychiatrique ordonnée par une chambre d'instruction ou une juridiction de jugement prononçant un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit d'une hospitalisation ordonnée par le représentant de l'Etat lorsque ces personnes ont, en outre, été, au cours de leur hospitalisation, admises en unité pour malades difficiles pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat ;
21. Considérant que l'article L. 3211-12 est relatif aux conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour ordonner la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques ordonnés sans le consentement du patient ; que son paragraphe II dispose, d'une part, que le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège de soignants prévu par l'article L. 3211-9 et, d'autre part, qu'il ne peut décider la mainlevée de la mesure sans avoir ordonné deux expertises supplémentaires établies par deux psychiatres ;
22. Considérant que l'article L. 3213-8 dispose, en ce qui concerne les personnes visées par ce texte, que le représentant de l'Etat ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques qu'après avis du collège de soignants mentionné à l'article L. 3211-9 ainsi qu'après deux avis concordants sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres ;
23. Considérant que, par ailleurs, l'article L. 3213-9-1 prévoit que, lorsque le représentant de l'Etat a décidé de ne pas suivre l'avis par lequel un psychiatre de l'établissement d'accueil constate qu'une mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète n'est plus nécessaire et après un examen du patient par un deuxième psychiatre confirmant cet avis, il ne peut, pour les personnes mentionnées au III de l'article L. 3213-1, qui sont les mêmes que celles figurant à l'article L. 3213-8, ordonner la mainlevée de cette mesure ou la mise en place d'une mesure de soins sous une autre forme que si chacun des avis et expertises prévues par ce dernier article constate que l'hospitalisation complète n'est plus nécessaire ; qu'en outre, pour ces mêmes personnes, le dernier alinéa de l'article L. 3213-4 dispense le représentant de l'Etat des formalités prescrites pour le maintien d'une mesure qu'il a décidée ;
24. Considérant que, selon les requérants, en imposant des conditions plus restrictives pour la mainlevée des mesures de soins psychiatriques applicables aux personnes qui ont été déclarées pénalement irresponsables ou qui ont séjourné en unité pour malades difficiles, ces dispositions institueraient une différence de traitement qui ne serait pas fondée sur des critères objectifs et rationnels et, par suite, porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi ; que l'encadrement des conditions dans lesquelles le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure porterait également atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ;
25. Considérant qu'en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet ; que, toutefois, il lui appartient d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier ;
26. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 3222-3 du code de la santé publique prévoit que les personnes soumises par le représentant de l'Etat à des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète peuvent être prises en charge dans une unité pour malades difficiles lorsqu'elles « présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique » ; que ni cet article ni aucune autre disposition législative n'encadrent les formes et ne précisent les conditions dans lesquelles une telle décision est prise par l'autorité administrative ; que les dispositions contestées font ainsi découler d'une hospitalisation en unité pour malades difficiles, laquelle est imposée sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes admises en hospitalisation complète, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins ; que, par suite, elles méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ;
27. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées s'appliquent lorsque le représentant de l'Etat a ordonné des soins conformément à l'article L. 3213-7 du code de la santé publique ; que cet article dispose que, lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, elles « avisent » immédiatement la commission départementale des soins psychiatriques et le représentant de l'Etat dans le département ; que ce dernier peut, après avoir ordonné la production d'un certificat médical sur l'état du malade, prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques ;
28. Considérant que la transmission au représentant de l'Etat par l'autorité judiciaire est possible quelles que soient la gravité et la nature de l'infraction commise en état de trouble mental ; que les dispositions contestées ne prévoient pas l'information préalable de la personne intéressée ; que, par suite, faute de dispositions particulières relatives à la prise en compte des infractions ou à une procédure adaptée, ces dispositions font découler de cette décision de transmission, sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes soumises à une obligation de soins psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins ; que, pour les mêmes motifs, ces dispositions ont également méconnu les exigences constitutionnelles précitées ;
29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique et son article L. 3213-8 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
30. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
31. Considérant que l'abrogation immédiate du paragraphe II de l'article L. 3211-12 et de l'article L. 3213-8 aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2013 la date de cette abrogation ; que les décisions prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
Décide :
L'article L. 3213-8 et le paragraphe II de l'article L. 3211-12 du code la santé publique sont contraires à la Constitution.
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er octobre 2013 dans les conditions fixées au considérant 31.
L'article L. 3211-2-1 et le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 sont conformes à la Constitution.
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ
Source : JORF n°0095 du 21 avril 2012 page 7194
texte n° 78