Le syndicat Fédération sud santé sociaux demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n°2011-584 du 26 mai 2011 relatif au comité technique d'établissement des établissements publics de santé. Il conteste en effet plusieurs dispositions de ce texte, contraires aux principes d'égalité et de liberté syndicale. Le Conseil d'Etat rejette la requête de ce syndicat dans sa totalité en considérant notamment que « le principe selon lequel les représentants des personnels sont élus par collèges en fonction des catégories dont relèvent les personnels résulte ainsi directement de la loi ; que, dès lors, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que le décret attaqué, en ce qu'il prévoit que l'élection par collèges des représentants des personnels, méconnaitrait le principe d'égalité ainsi que la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs garantis par les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ».
Conseil d'État
N° 351266
Inédit au recueil Lebon
1ère sous-section jugeant seule
Mme Chrystelle Naudan-Carastro, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 6 février 2013
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 27 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat Fédération Sud santé sociaux, dont le siège est 70, rue Philippe de Girard à Paris (75018) ; le syndicat Fédération Sud santé sociaux demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-584 du 26 mai 2011 relatif au comité technique d'établissement des établissements publics de santé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;
Vu le décret n° 88-981 du 13 octobre 1988 ;
Vu la décision du 18 janvier 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Syndicat Fédération Sud santé sociaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Chrystelle Naudan-Carastro, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du syndicat Fédération Sud santé sociaux,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du syndicat Fédération Sud santé sociaux ;
1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 6144-3 du code de la santé publique, il est créé, dans chaque établissement public de santé, un comité technique d'établissement doté de compétences consultatives ; qu'en vertu de l'article L. 6144-4 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, ce comité est présidé par le directeur et composé de représentants des personnels de l'établissement ; que le syndicat Fédération Sud santé sociaux demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 26 mai 2011 relatif au comité technique d'établissement des établissements publics de santé, pris pour l'application de ces dispositions ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du décret du 13 octobre 1988 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " L'Observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière a pour mission de : / suivre l'évolution des emplois dans la fonction publique hospitalière ; / contribuer au développement d'une stratégie de gestion prévisionnelle et prospective et proposer des orientations prioritaires, en particulier en matière de formation ; / apprécier l'évolution des fonctions, des métiers, des qualifications ; / recenser les métiers nouveaux et proposer des modalités de recrutement adaptées (...) " ; qu'il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucun autre texte que cet observatoire doive être consulté préalablement à l'adoption de mesures réglementaires ou individuelles ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait dû être soumis pour avis à l'Observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière est saisi pour avis des projets de loi, des projets de décret de portée générale relatifs à la situation des personnels des établissements mentionnés à l'article 2 et des projets de statuts particuliers des corps et emplois (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 10 du décret du 13 octobre 1988 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les délibérations de l'assemblée plénière ne sont valables que si les deux tiers des membres ayant voix délibérative sont présents ou représentés lors de l'ouverture de la réunion (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que respectivement 35 et 34 membres sur 38 étaient présents ou représentés lors de l'ouverture des réunions des 6 décembre 2010 et 3 février 2011 au cours desquelles le Conseil supérieur de la fonction publique s'est prononcé pour avis sur le projet de décret litigieux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur aurait été consulté dans des conditions irrégulières, faute de réunion du quorum, manque en fait ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
4. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article L. 6144-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 2010 précitée, les représentants des personnels de l'établissement composant le comité technique d'établissement " sont élus par collèges en fonction des catégories mentionnées à l'article 4 " de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; que le principe selon lequel les représentants des personnels sont élus par collèges en fonction des catégories dont relèvent les personnels résulte ainsi directement de la loi ; que, dès lors, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que le décret attaqué, en ce qu'il prévoit que l'élection par collèges des représentants des personnels, méconnaîtrait le principe d'égalité ainsi que la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs garantis par les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;
5. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que les dispositions de l'article R. 6144-42 du code de la santé publique issues du décret attaqué distinguent huit catégories d'établissements, allant de moins de cinquante agents à cinq mille agents et plus, et fixent le nombre de représentants du personnel élus dans les comités techniques d'établissement et le nombre de sièges attribués dans chaque collège en fonction du nombre d'agents exerçant au sein de l'établissement ; que le syndicat requérant en déduit que le pourcentage de voix nécessaire pour obtenir au moins un siège au comité technique variera selon la taille de l'établissement ; que, toutefois, la différence de traitement résultant des dispositions critiquées, qui a pour objet d'adapter la taille du comité technique à celle de l'établissement, est en rapport direct avec l'objet du décret litigieux et n'est pas manifestement disproportionnée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, enfin, que le II de l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique a ouvert la possibilité aux fonctionnaires relevant des corps et cadres d'emplois d'infirmiers et de personnels paramédicaux dont les emplois sont classés dans la catégorie active prévue au 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi qu'à certains autres fonctionnaires, d'opter individuellement soit en faveur du maintien dans leurs corps ou cadres d'emplois, relevant de la catégorie B, associé à la conservation des droits liés au classement dans la catégorie active, soit en faveur d'une intégration dans les corps et cadres d'emplois d'infirmiers et de personnels paramédicaux appartenant à la catégorie A, nouvellement créés ; que par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le principe selon lequel les représentants des personnels sont élus par collèges en fonction des catégories dont relèvent les personnels résulte directement des dispositions de l'article L. 6144-4 du code de la santé publique ; que, par suite, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir qu'en prévoyant la possibilité pour certains fonctionnaires hospitaliers comme les infirmières et les personnels paramédicaux de voter dans des collèges différents selon l'option exercée en faveur d'un classement en catégorie A ou en catégorie B, le décret serait entaché d'erreur de droit et méconnaîtrait le principe d'égalité ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat Fédération Sud santé sociaux n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 26 mai 2011 relatif au comité technique d'établissement des établissements publics de santé ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le syndicat Fédération Sud santé sociaux demande à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat Fédération Sud santé sociaux est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Fédération Sud santé sociaux, au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre des affaires sociales et de la santé.