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Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, 30 décembre 2003, Mme X. (accouchement sous X - accès au dossier d'adoption)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 20 mars 2000, sous le n°'00BX621, présentée par Mme  X, demeurant ... ;

Mme X demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 23 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 1997 par laquelle le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Dordogne a refusé de lui communiquer l'intégralité de son dossier de pupille ;
- d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
- d'enjoindre à l'autorité administrative de lui communiquer totalement son dossier de pupille sous astreinte de 500 francs par jour de retard ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 27 juin 1904 ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2003 :
- le rapport de Mme Balzamo, conseiller ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision en date du 21 mai 1997 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 27 juin 1904 sur le service des enfants assistés : Dans chaque département, le préfet désigne, après avis conforme du conseil général, l'établissement ou les établissements où peuvent être présentés les enfants dont l'admission, en qualité de pupilles de l'assistance est demandée. La présentation a lieu dans un local ouvert le jour et la nuit et sans autre témoin que la personne préposée au service d'admission. L'admission peut avoir lieu sur demande écrite au préfet. La personne qui est de service déclare à celle qui présente l'enfant que la mère, si elle garde l'enfant, peut recevoir les secours prévus à l'article 7, et, notamment, un secours de premier besoin, qui est alloué immédiatement. Elle signale les conséquences de l'abandon telles qu'elle résultent de l'article 22. Si l'enfant paraît âgé de moins de sept mois et si la personne qui le présente refuse de faire connaître le nom, le lieu de la naissance, la date de la naissance de l'enfant, ou de fournir l'une de ces trois indications, acte est pris de ce refus et l'admission est prononcée. Dans ce cas aucune enquête administrative ne sera faite (...) ; que l'article 22 du même texte prévoit que : Le lieu de placement du pupille reste secret, sauf décision prise dans l'intérêt de l'enfant ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée : Sous réserve des dispositions de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales... ; qu'aux termes de l'article 6 de ladite loi : Les administrations mentionnées à l'article 2 peuvent refuser de consulter ou de communiquer un document administratif dont la consultation porterait atteinte : (...) - au secret de la vie privée, des dossiers personnels et médicaux ; (...) - ou, de façon générale aux secrets protégés par la loi ; que l'article 6 bis de la même loi dispose que : Les personnes qui le demandent ont droit à la communication, par les administrations mentionnées à l'article 2, des documents de caractère nominatif les concernant, sans que des motifs tirés du secret de la vie privée portant exclusivement sur des faits qui leur sont personnels, puissent leur être opposés ;

Considérant que, si les dispositions susmentionnées de la loi du 17 juin 1904 ont prévu, d'une part, que la personne qui confie l'enfant au service des enfants assistés peut refuser de faire connaître le nom de cet enfant, d'autre part, que le lieu de placement du pupille reste secret, l'application de ces dispositions n'implique pas en elle-même le maintien du secret de l'identité des parents vis-à-vis de l'enfant ; qu'en l'absence d'une demande expresse des parents en ce sens, lesdites dispositions ne peuvent, par suite, être opposées à l'enfant qui souhaite obtenir, sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978, la communication intégrale de son dossier de pupille de l'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mère de Mme X a accouché d'une fille le 10 septembre 1942 sans révéler son identité et que celle-ci a alors été confiée au service des enfants assistés puis a fait l'objet d'une adoption ; qu'en 1996, après le décès de ses parents adoptifs, elle a demandé la communication intégrale de son dossier de pupille de l'Etat au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Dordogne ; que ce dernier lui a opposé un refus en ce qui concerne les mentions relatives à l'identité de sa mère, malgré l'avis favorable à la communication de ces renseignements émis par la commission d'accès aux documents administratifs au motif qu'en l'absence de documents manifestant la volonté expresse de la mère de Mme X de maintenir le secret de son identité vis-à-vis de l'enfant, l'administration ne pouvait lui opposer un tel secret ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors qu'il est constant que la mère de la requérante n'a pas demandé expressément que son identité demeure secrète pour sa fille, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de communication intégrale de son dossier de pupille de l'Etat ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure, assortie le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; que l'article L 911-3 du même code dispose que : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L 911-1 et L 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre dont elle fixe la date d'effet. ;

Considérant que l'annulation de la décision du 21 mai 1997 par laquelle le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales a rejeté la demande de communication du dossier de pupille de Mme X implique nécessairement que l'Etat communique l'intégralité dudit dossier à celle-ci ; qu'il y a lieu d'ordonner au préfet de Dordogne de procéder à cette communication dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de condamner l'Etat à payer à Mme X une somme de 150 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 21 décembre 1999 et la décision du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Dordogne du 21 mai 1997 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de communiquer à Mme X l'intégralité de son dossier de pupille de l'Etat dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme X une somme de 150 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.