REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er juillet 1998 sous le n° 98NC01360, présentée pour Mme Marie-Gabrielle X, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats au barreau d'Epinal Welzer-Lefort-Bourdeaux, complétée par des mémoires enregistrés les 20 avril 1999, 8 juillet 1999 et 29 septembre 2003 ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 989 du 5 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du directeur du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY du 6 novembre 1997, prononçant sa révocation ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY de la réintégrer et de reconstituer sa carrière ;
4°) de condamner le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY à lui verser 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Elle soutient que :
- le conseil de discipline, qui n'a été saisi que cinq mois après les faits, n'a pas eu connaissance des pièces de la procédure judiciaire et des résultats de l'enquête des services de police ;
- la décision contestée comporte une erreur de date et n'a donc pas date certaine ;
- la plainte qui avait été déposée par le directeur a fait l'objet d'un classement sans suite par le Parquet ;
- il est seulement établi qu'en voulant emprunter une bombe de déodorant, elle a manipulé le porte-monnaie de l'une de ses collègues, sans en toucher le contenu ; les faits de vol commis antérieurement dans l'établissement ne peuvent pas lui être imputés ; la matérialité des faits n'est donc pas établie ;
- les seuls faits établis sont amnistiés ;
- ils ne pouvaient pas, en tout état de cause, justifier une sanction aussi grave que la révocation, alors qu'elle était jusqu'alors bien notée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mai 1999, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY, représenté par son directeur en exercice, par la société civile professionnelle d'avocats au barreau d'Epinal Languille-Knittel-Richardin-Watbot ; il conclut au rejet de requête en soutenant qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé, et qu'en outre, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise est nouveau en appel ;
Vu les lettres en date du 22 septembre 2003 informant les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'application de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 22 septembre 2003, fixant au 24 octobre 2003 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2004 :
- le rapport de M. CLOT, Président,
- les observations de Me LUISIN, avocat du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que si Mme X soutient pour la première fois en appel que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen, qui met en cause la légalité interne de cette décision, repose sur la même cause juridique que certains des moyens soumis au Tribunal administratif de Nancy ; que, dès lors, le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY n'est pas fondé à soutenir que ce moyen n'est pas recevable ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de vols survenus au préjudice de membres du personnel et de pensionnaires de la résidence Notre-Dame, qui dépend du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY, les services de police ont enduit d'une substance colorante des porte-monnaie qui ont été placés dans les vestiaires du personnel ; que des traces colorées ont, par la suite, été trouvées sur les ongles et sur le vêtement de Mme X, agent des services hospitaliers, qui n'a pu fournir aucune explication sur leur origine ; qu'ainsi, si les vols commis antérieurement ne peuvent lui être imputés, l'existence de soupçons pesant sur la probité de l'intéressée est établie ; que ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire, alors même que la plainte du directeur de l'établissement auprès du procureur de la République a fait l'objet d'une décision de classement ; que, toutefois, en décidant, comme il l'a fait le 6 novembre 1997, de révoquer ce fonctionnaire, qui n'avait fait jusqu'alors l'objet d'aucune sanction, le directeur du centre hospitalier s'est livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la sanction dont elle a fait l'objet ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt implique nécessairement la réintégration de Mme X dans ses fonctions, ainsi que la reconstitution de sa carrière à compter de la date de son éviction ; qu'il y a lieu d'impartir au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY un délai de deux mois pour ce faire ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que Mme X est fondée à demander la condamnation du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY à réparer le préjudice qu'elle a réellement subi du fait de la sanction irrégulière qui a été prise à son encontre ; que toutefois, elle se borne, dans le dernier état de ses écritures, à demander le paiement à ce titre d'une somme de 15 000 euros, sans assortir cette demande de précisions quant à la consistance et à l'étendue de ce préjudice ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté cette partie des conclusions de sa demande ;
Décide :
ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 5 mai 1998 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme Marie-Gabrielle X dirigées contre la décision du directeur du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY du 6 novembre 1997.
ARTICLE 2 : La décision du directeur du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY du 6 novembre 1997 prononçant la révocation de Mme Marie-Gabrielle X est annulée.
ARTICLE 3 : Il est enjoint au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY de procéder, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, à la réintégration dans ses fonctions de Mme Marie-Gabrielle X, ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière depuis la date de son éviction.
ARTICLE 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Marie-Gabrielle X est rejeté.
ARTICLE 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Gabrielle X et au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE GOLBEY.