Cette décision du Défenseur des droits vient rappeler les modalités de communication aux compagnies d’assurance d’informations couvertes par le secret médical et concernant une personne décédée. Elle présente également les six recommandations du Défenseur des droits en la matière : 1- L’acceptation par les compagnies des certificats médicaux établis par les professionnels de santé, sans que ne puisse être opposable le formulaires type rédigés par les assurances ; 2- L’attention portée à la compatibilité des informations demandées par les compagnies d’assurance avec le secret médical ; 3- Le respect par les compagnies d’assurance des conditions matérielles de transmission des informations propres à en garantir la confidentialité ; 4- L’adaptation des demandes de communication d’informations médicales à la qualité du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie (ayant-droit ou non ) ; 5- La mise en œuvre d’une réflexion ministérielle destinée à « remédier dans un délai raisonnable à l’inégalité de traitement » existant entre les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie, selon leur qualité d’ayant-droit du défunt ou non ; 6- La diffusion la plus large possible de ces recommandations auprès des sociétés d’assurance. |
Paris, le 26 novembre 2013
Décision du Défenseur des droits n° MSP 2013-209
Le Défenseur des droits,
Vu l’article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;
Vu le décret n° 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu l’arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrrté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne, et notamment l'accompagnement de cet accès ;
Recommandations relatives aux conditions d’accqs pour les bénéficiaires de contrat d’assurance sur la vie et pour les sociétés d’assurances, aux informations médicales concernant une personne décédée, ainsi qu’aux conditions matérielles de la garantie de la confidentialité lors de l’envoi de ces éléments médicaux aux sociétés d’assurances
Le Défenseur des droits a été saisi le 20 février 2013, par une personne instituée bénéficiaire par l’un de ses parents décédé, d’un contrat d’assurance de type « capital décès ».
L’auteur de la saisine présente, dans les circonstances de l’espèce, la double qualité de bénéficiaire du contrat d’assurance et d’héritier du défunt.
La société d’assurance, pour apprécier les droits du bénéficiaire, refuse de prendre en compte les pièces médicales transmises par le médecin hospitalier en charge du patient jusqu’à son décès, exigeant que le médecin remplisse formellement un questionnaire médical préétabli. Le praticien ayant refusé de se plier à une telle demande de la société d’assurance, le bénéficiaire se retrouve dans l’incapacité matérielle de faire valoir ses droits.
Le Défenseur des droits porte une appréciation générale sur les conditions d’accès pour les bénéficiaires de contrats d’assurance vie et pour les sociétés d’assurance, aux informations médicales concernant une personne décédée, ainsi qu’aux conditions matérielles de la garantie de la confidentialité lors d’envois postaux d’éléments médicaux aux sociétés d’assurance.
En conséquence, il formule six recommandations visant à clarifier ces conditions d’accès.
I- Les circonstances portées à la connaissance du Défenseur des droits :
L’étude des pièces transmises par l’auteur de la saisine, révèle que le document dont l’assureur exige qu’il soit formellement complété par le médecin traitant de l’assuré, est intitulé « Certificat médical de déclaration de décès ».
Le médecin hospitalier ayant pris en charge la personne décédée, a opposé un refus de remplir le questionnaire de l’assureur, se limitant à produire un document intitulé « résumé médical » dans lequel il décrit, sur une page, l’histoire de la maladie ayant causé le décès.
Le responsable des « acceptations médicales » de la société d’assurance a alors notifié par courrier, à la personne bénéficiaire du contrat et ayant droit du défunt, que les éléments communiqués par le médecin ne sont pas recevables et lui a indiqué « ne pouvoir donner une suite favorable à la demande de prestation qui nous a été transmise ».
Un second courrier, adressé à la personne bénéficiaire du contrat et ayant droit du défunt par le service médical de l’assureur, précise que la demande de renseignement exigée serait « en conformité avec la loi », se référant seulement à la notice d’information du contrat souscrit par le défunt.
Ladite notice précise sous le titre « Le règlement des prestations », au paragraphe « En cas de décès de l’assuré », : « Les bénéficiaires doivent transmettre dans les meilleurs délais… les pièces suivantes… ». S’ensuit une liste de pièces, dont notamment, le « certificat médical sur modèle de l’assureur dûment complété par le médecin traitant de l’assuré. »
Postérieurement à la saisine du Défenseur des droits, l’assureur a accepté de prendre en compte le document établi par le médecin traitant en procédant courant juin 2013 aux versements au profit du bénéficiaire, enfant du défunt.
Compte tenu de la problématique générale induite par ce dossier, le Défenseur des droits a saisi conjointement, le 5 mars 2013, la Fédération Française des Sociétés d’assurances (FFSA) ainsi que le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM). Tous deux lui ont répondu.
II- Discussion :
A- L’exigence par une société d’assurance, que des informations lui soient communiquées au travers d’un questionnaire type qu’elle a elle-même élaboré
A la suite du décès d’une personne ayant contracté une assurance sur la vie, les sociétés d’assurance vérifient que la ou les causes du décès sont bien étrangères à une éventuelle clause d’exclusion de garantie incluse dans le contrat d’assurance. Elles vérifient aussi que le souscripteur décédé n’a pas omis ou caché des antécédents médicaux lors de la souscription du contrat. Pour cette raison, le médecin qui a pris en charge le souscripteur est sollicité soit directement par l’assureur lui-même soit par l’intermédiaire des ayants droit, dans le but d’obtenir de lui un certificat détaillé.
Ainsi, dans la notice d’information du contrat d’assurance décès examiné lors de la saisine du Défenseur des droits, la société d’assurance précise qu’en cas de décès de l’assuré, les « bénéficiaires » doivent transmettre le certificat médical sur le modèle élaboré par l’assureur, dûment complété par le médecin de l’assuré.
Il s’agit d’un questionnaire post mortem comportant des questions ne se limitant pas à renseigner l’assureur sur le caractère accidentel ou naturel du décès. Le médecin traitant est invité à informer le médecin-conseil de l’assureur des circonstances de l’accident, à préciser si le décès est consécutif à un accident, s’il s’agit en revanche d’une maladie le médecin est invité à dire la date de la première constatation clinique de l’affection qui a entrainé le décès. Il est demandé au médecin de révéler les prescriptions relatives à cette affection et leurs dates, les éventuelles prescriptions d’arrrts de travail et autres affections constatées, les dates et descriptions des interventions chirurgicales des dix dernières années, si et depuis quand la personne décédée bénéficiait d’une prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale et si elle percevait et depuis quand une pension d’invalidité, avec précisions sur le nom de l’organisme, le taux etc. Le médecin dispose de quelques lignes pour exprimer ses éventuelles observations. Il doit enfin signer et apposer son cachet sur le document et l’expédier à l’attention du Médecin-conseil à l’adresse postale de la société d’assurance.
Dans le cas soumis au Défenseur des droits, le médecin a refusé de remplir ce questionnaire et a produit un document de synthèse de l’histoire de la maladie.
La société d’assurance, au travers de nombreux courriers, a longtemps refusé d’instruire la demande des bénéficiaires tant que le médecin traitant refusait d’établir un certificat selon son modèle préétabli, en faisant de cette disposition une cause péremptoire de rejet.
A ce sujet, dans sa réponse au Défenseur des droits, la Fédération Française des Sociétés d’assurances (FFSA), expose que les sociétés d’assurances pour des raisons de « rapidité de règlement », sont légitimes à avoir « mis au point des modèles de certificat médical de déclaration de décès ». Elle estime que « dans la mesure où le médecin traitant ne souhaiterait pas remplir ce modèle, mais fournirait dans le mrme temps l’ensemble des éléments nécessaires, l’entreprise procèdera au règlement de la prestation ».
La Cour de cassation a pris position sur les clauses des contrats d’assurances prévoyant dans certaines conditions la remise d’un certificat médical concernant l'assuré en cas de décès de celui-ci, considérant comme légitime la demande formulée par les assureurs, tendant à obtenir un certificat médical indiquant la nature de la maladie ayant entrainé le décès.
Ainsi, si l’assureur est admis à obtenir des informations médicales sur le décès du souscripteur, il ne peut être légitime, comme le rappelle le Conseil National de l’Ordre des médecins, à exiger contractuellement que toute information de son choix lui soit transmise sous couvert d’un questionnaire à renseigner exhaustivement, ni qu’elle le soit sur un support préétabli remis au médecin, tel qu’un questionnaire médical type, le médecin n’étant d’ailleurs lui-même nullement tenu par les clauses d’un contrat d’assurances vis-à-vis duquel il est un tiers.
Le Défenseur des droits recommande aux sociétés d’assurances d’accepter les certificats médicaux établis par le médecin qui a pris en charge le souscripteur, certificat qui fournirait l’ensemble des éléments nécessaires à la société d’assurance pour procéder au règlement de la prestation, sans que cette dernière puisse lui rendre opposable l’utilisation d’un modèle type.
B- Le contenu des informations médicales transmises aux médecins conseils des sociétés d’assurances :
On rappellera que ni le patient de son vivant, ni les ayants droit après le décès du patient ne peuvent délier le médecin du secret médical. Ainsi, le médecin ne peut adresser lui-même aucun certificat ou pièce médicale à un tiers, il doit les remettre au patient ou les adresser à ses ayants droits.
L’article 4 du code de déontologie médicale, repris à l’article R.4127-4 du code de la santé publique énonce : « Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à -dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. »
Le dernier alinéa de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique précise que : « le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaitre les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ,ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté exprimée par la personne avant son décès ». L’article L. 1111-7 du même code précise « En cas de décès du malade, l’accès des ayants droit à son dossier médical s’effectue dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article L.1110-4 ».
Ainsi, rapportées au cadre de la présente saisine du Défenseur des droits, les dispositions du code de la santé publique autorisent, sous certaines conditions et réserves, les ayants droit d’une personne décédée à accéder aux informations médicales la concernant. Le médecin peut alors leur révéler, mais à eux seuls, les éléments du dossier médical leur permettant de faire valoir, notamment auprès d’un assureur, leurs droits ouverts consécutivement au décès, et uniquement ceux-ci. Il incombe ensuite aux ayants droit, de les communiquer au médecin-conseil de la société d’assurance, s’ils l’estiment utile.
Saisi par le Défenseur des droits, le Conseil National de l’Ordre des Médecins rappelle pour sa part que le médecin traitant est tenu au secret médical même après le décès du patient et qu’il ne peut attester d’autre chose que de la réalité du décès.
Le Conseil National de l’Ordre des médecins estime cependant que le médecin peut préciser si la mort a été naturelle, due à la maladie, ou accidentelle, sans apporter de précision sur la nature médicale de l’affection en cause ou de l’accident. Le médecin peut enfin préciser si l’affection est étrangère à une clause d’exclusion du contrat dont il aura eu connaissance. Dès lors, un médecin ne peut délivrer d’information médicale post mortem à une société d’assurance qui révélerait la nature, la date d’apparition de la maladie ayant entrainé le décès, l’existence d’autres affections. Il ne peut de sa propre initiative procéder à aucune révélation à l’assureur, concernant les affections du patient.
Le Défenseur des droits constate à cet égard que le « questionnaire post mortem » produit par l’auteur de la saisine, invitait le médecin à renseigner l’assureur, par le truchement de son médecin-conseil, notamment sur des éléments cliniques dont manifestement la communication revêt un caractère illégal tel que « la date de première constatation médicale de l’affection ayant entrainé le décès », les dates et durées des arrêts de travail, les éventuelles autres affections dont souffrait l’assuré, les interventions chirurgicales des dix dernières années, s’intéressant même à son éventuelle pension d’invalidité.
Ainsi, le Défenseur des droits recommande que les sociétés d’assurances veillent à ce que les informations médicales concernant les souscripteurs décédés, dont elles demandent la communication à leurs ayants droit, soient strictement compatibles avec le respect des règles du secret médical.
C- Les conditions matérielles de la transmission des informations couvertes par le secret médical aux médecins conseil des sociétés d’assurances
La loi n’a pas prévu de secret partagé entre les professionnels de santé, qui prennent en charge une personne malade, et les sociétés d’assurances ou leurs médecins conseils. Comme rappelé précédemment, le patient ou ses ayants droit, ne peuvent délier un médecin du secret médical. Dès lors, un médecin ne peut communiquer directement à l’assureur quelque information que ce soit relative à la personne décédée qu’il a prise en charge.
La transmission d’informations médicales doit rtre faite par la personne malade ou ses ayants droit si elle est décédée. Cette transmission se fait généralement par courrier. Les sociétés d’assurances invitent leurs assurés, à l’occasion d’un questionnaire médical, à transmettre les pièces au service médical de la compagnie, ou à leur « Médecin-conseil », sans que, fréquemment, le nom de ce médecin soit identifié.
Dans sa réponse au Défenseur des droits datée de juin 2013, la FFSA précise sur ce point «Les documents concernant des informations médicales (…) doivent être transmis exclusivement au médecin-conseil ou au service médical de l’entreprise d’assurance, qui en garantit la confidentialité. Ces exigences posées par le Conseil National de l’Ordre, ne s’opposent pas à ce qu’un certificat médical parvienne au médecin-conseil non nommément désigné ».
Dans sa réponse adressée au Défenseur des droits en mars 2013, le Conseil National de l’Ordre des Médecins indique que « les renseignements médicaux demandés à l’assuré ne doivent être destinés qu’au médecin de l’organisme d’assurances, dont le nom et prénom auront été précisés, et non pas au service médical ».
Sur la garantie de la confidentialité des informations nominatives de santé, le Conseil constitutionnel dans sa décision n°99-422 DC du 21 Décembre 1999 a précisé : « Considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique le droit au respect de la vie privée ; que ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans la transmission des informations nominatives à caractère médical entre les médecins prescripteurs et les organismes de sécurité sociale…Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la disposition critiquée que les informations d'ordre médical en cause sont destinées au seul " service du contrôle médical " ; que les médecins-conseils composant ce service sont, en vertu de l'article 104 du code de déontologie médicale, astreints au secret sur les renseignements médicaux directement ou indirectement nominatifs qui leur sont transmis, y compris envers l'organisme qui fait appel à leurs services; que devront toutefois être mises en place des modalités d'acheminement de ces documents aux médecins-conseils de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu'ils contiennent… »
Dès lors, et en l’état actuel du droit, les conditions dans lesquelles sont reçues au sein des « services médicaux » des sociétés d’assurances des pièces médicales confidentielles, n’apparaissent pas satisfaisantes. Les modalités d’acheminement des documents médicaux adressés par les assurés ou leurs ayants droit aux médecins-conseils ne peuvent, dans ce cadre, être considérées comme « de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu’ils contiennent ».
En effet, comme l’indique la FFSA dans son courrier au Défenseur des droits du 20 juin 2013, des documents sensibles concernant des informations médicales nominatives de personnes pouvant être décédées, sont transmises par les assurés ou leurs ayants droit aux services médicaux des assureurs ou au mieux au médecin-conseil de l’assureur sans précision sur l’identité dudit médecin-conseil. Le seul fait de désigner de manière nominative un médecin-conseil serait une exigence nécessaire de confidentialité lors de la transmission de pièces médicales et conforme au respect du secret médical, notion intuitu personae par essence, c’est à dire qui s’attache à une personne et non à un service.
En outre la seule autorisation de communication de renseignements à un médecin-conseil nommément désigné au sein de la compagnie d’assurance, n’autorise pas celui-ci à transmettre lesdits renseignements à la compagnie d’assurance. Il ne doit faire part d’aucune constatation médicale ni même motiver son avis, d’un point de vue médical
Ainsi, le Défenseur des droits recommande aux sociétés d’assurances de s’attacher à respecter avec le plus grand soin les conditions matérielles de la confidentialité dans lesquelles doivent leur être acheminés les plis contenant des informations médicales, qui ne sauraient parvenir qu’à un médecin-conseil destinataire parfaitement identifié sous pli confidentiel ou par tout autre moyen (dématérialisé ou non) garantissant la confidentialité.
Les sociétés d’assurances sont en outre invitées à renseigner dans leurs demandes de transmission de pièces médicales ou renseignements médicaux, les nom et prénom du médecin-conseil qui en sera le seul destinataire.
D- Les personnes susceptibles de recevoir d’un médecin des informations médicales relatives à une personne décédée
L’arrêté du 3 janvier 2007 du ministère de la santé et des solidarités, portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne, et notamment l'accompagnement de cet accès précise dans son article 1 : « En ce qui concerne la portée de la qualité d'ayant droit, il s'agit dans tous les cas des successeurs légaux du défunt, conformément au code civil, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. » (JO du 16 janvier 2007 - NOR: SANP0720101A).
Dans un avis du 5 avril 2012, la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) précise : « (…) Les bénéficiaires d’une assurance sur la vie ou d’une d’assurance décès qui ne seraient pas par ailleurs héritiers légaux ou testamentaires, universels ou à titre universel, du patient décédé ne présentent pas la qualité d’ayant droit au sens de l’article L.1110-4 du code de la santé publique. En effet, leur désignation par les contrats souscrits par le défunt leur donne seulement une créance sur l’établissement avec lequel celui-ci a contracté, sans leur ouvrir aucun droit à sa succession. Ces personnes ne sont donc pas au nombre de celles en faveur desquelles le législateur a levé le secret médical ».
En matière d’assurance, les souscripteurs d’assurances de personnes désignent le ou les bénéficiaire(s) de leur choix dans le contrat d’assurance sur la vie (assurance vie ou assurance décès). La qualité de bénéficiaire qui confère un droit de créance propre à son titulaire, ne se confond pas avec celle d’ayant droit du défunt, même si ces deux qualités peuvent être selon le cas réunies par une même personne, comme dans l’espèce ayant conduit à la présente saisine du Défenseur des droits.
Les bénéficiaires ne sont donc pas nécessairement des ayants droit au regard notamment des dispositions de l’arrrté du 3 Janvier 2007 qui rappelle clairement le périmètre de la notion d’ayants droit. Ainsi, si le bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie ou d’assurance décès n’est pas aussi héritier légal ou testamentaire, universel ou à titre universel du souscripteur décédé, il ne pourra en aucun cas obtenir du médecin du défunt la moindre information médicale le concernant.
Dans sa réponse au Défenseur des droits datée de juin 2013, la FFSA expose sur ce point « «conformément aux articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du CSP, il ne nous semble pas y avoir de difficulté inhérente à la désignation par le souscripteur d’un bénéficiaire qui ne ferait pas partie de ses ayants droit. En effet, l’ayant droit est celui qui est titulaire d’un droit, en vertu de son lien familial ou de sa situation juridique, financière ou fiscale avec le bénéficiaire de ce droit. Dès lors, la notion d’ayant droit ne se limite pas aux seuls héritiers, et la personne désignée par le souscripteur, de par sa qualité de bénéficiaire du contrat d’assurance vie, devient de facto un ayant droit de celui-ci. Elle pourra donc faire appliquer à son bénéfice les dispositions des articles précités et accéder aux informations médicales ».
La confusion ainsi opérée en l’état par la FFSA, entre les notions de bénéficiaire et d’ayant droit, qui méconnait le rappel clairement formulé par l’arrêté du ministre de la santé du 3 janvier 2007, n’est pas satisfaisante.
Toutefois, il apparaît que l’état actuel du droit révèle l’existence d’une inégalité objective de traitement entre d’une part les bénéficiaires des contrats d’assurance n’ayant pas la qualité d’ayants droit et les bénéficiaires des contrats d’assurance ayant la qualité d’ayants droit, seuls les seconds pouvant bénéficier des dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique qui permettent de disposer des informations médicales concernant leur auteur décédé, pour faire valoir leurs droits de bénéficiaires du contrat d’assurance sur la vie.
Cette inégalité de traitement existant entre des personnes placées dans la même situation juridique vis à vis des sociétés d’assurance pour la mise en œuvre des droits qu’elles tiennent de leur qualité commune de bénéficiaire des contrats d’assurance, mérite qu’une réflexion soit conduite par le ministre de la santé afin que des initiatives soient prises pour y apporter remède, dans le respect des principes qui gouvernent le secret médical.
III- Recommandations :
1- Le Défenseur des droits recommande aux sociétés d’assurances d’accepter les certificats médicaux établis par le médecin qui a pris en charge le souscripteur, certificat qui fournirait l’ensemble des éléments nécessaires à la société d’assurance pour procéder au règlement de la prestation, sans que cette dernière puisse lui rendre opposable l’utilisation d’un modèle type.
2- Le Défenseur des droits recommande aux sociétés d’assurances de veiller à ce que les informations qu’elle demande soient compatibles avec le respect des règles régissant le secret médical.
3- Le Défenseur des droits recommande aux sociétés d’assurances de s’attacher à respecter avec le plus grand soin les conditions matérielles de la confidentialité dans lesquelles doivent leur être acheminés les plis contenant des informations médicales, qui ne sauraient parvenir qu’à un médecin-conseil destinataire parfaitement identifié sous pli confidentiel ou par tout autre moyen (dématérialisé ou non) garantissant la confidentialité.
Les sociétés d’assurances sont en outre invitées à renseigner dans leurs demandes de transmission de pièces médicales ou renseignements médicaux, les nom et prénom du médecin-conseil qui en sera le seul destinataire.
4- Le Défenseur des droits recommande aux sociétés d’assurance d’adapter leurs demandes de communication d’informations à caractère médical à la qualité du bénéficiaire, et ainsi de s’en abstenir lorsque le bénéficiaire n’est pas en capacité juridique de les obtenir lui-même, spécialement lorsqu’il n’a pas la qualité d’ayant droit au sens de l’arrêté du ministre de la santé du 3 janvier 2007 (JO du 16 janvier 2007 - NOR: SAN P0720101 A).
5- Le Défenseur des droits recommande au Ministre des Affaires Sociales et de la Santé de mener une réflexion afin que des initiatives soient prises pour remédier dans un délai raisonnable à l’inégalité de traitement existant entre d’une part les bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie n’ayant pas la qualité d’ayants droit du souscripteur et les bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie ayant cette qualité d’ayants droit, seuls les seconds pouvant en l’état bénéficier des dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique qui permet de disposer des informations médicales concernant leur auteur décédé, pour faire valoir leurs droits de bénéficiaires du contrat d’assurance sur la vie.
Le Défenseur des droits recommande d’étendre cette réflexion aux bénéficiaires d’assurances décès souscrites à l’occasion d’un crédit bancaire pour lesquels plusieurs emprunteurs participent à un achat commun, tel qu’un crédit immobilier, contracté solidairement ou non, par deux ou plusieurs personnes n’ayant pas par l’effet de la loi, vocation à accéder à la qualité d’ayant droit l’une par rapport à l’autre.
6- Le Défenseur des droits recommande à la Fédération Française des Sociétés d’Assurances de diffuser ces recommandations auprès de l’ensemble de ses membres et plus généralement de mener une réflexion d’harmonisation quant aux exigences relatives tant à la nature des informations médicales exigées qu’à leurs supports, dans un souci de préservation à la fois des exigences des sociétés d’assurances et des règles du respect du secret médical.
IV- Transmissions :
Conformément à l’article 25 de la loi organique du 29 mars 2011, le Défenseur des droits adresse cette décision, pour réponse, à la société SOGECAP, qui dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, pour faire connaitre les suites qu’elle donnera aux recommandations la concernant.
Le Défenseur des droits adresse cette décision à la Fédération Française des Sociétés d’Assurances (FFSA), qui dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, pour faire connaitre les suites qu’elle donnera aux recommandations la concernant.
Le Défenseur des droits adresse cette décision au Ministre des Affaires Sociales et de la Santé qui dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, pour faire connaitre les suites que le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé donnera à la recommandation le concernant.
Le Défenseur des droits décide d’adresser ces recommandations pour information au Conseil National de l’Ordre des Médecins.
Le Défenseur des droits décide d’adresser ces recommandations pour information à l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).