Le droit français privilégie aujourd’hui les droits du patient dans leur intégralité. Aussi, la loi met en œuvre l’accueil dans les meilleures conditions de l’enfant mais aussi de ses parents à l’hôpital, et plus précisément au sein des services de réanimation pédiatrique.
Si les droits fondamentaux de l’enfant et les règles de sa prise en charge sont élaborés au sein de textes à valeur normative, d’autres textes tels que des avis ou bien encore des recommandations viennent préciser et compléter les règles de l’accueil de l’enfant à l’hôpital.
1. Définition
Les unités de réanimation pédiatrique ont pour vocation de prendre en charge des enfants et des adolescents. Le décret n° 2002-466 du 5 avril 2002 distingue des unités de réanimation pour adultes et des unités de réanimation pédiatrique. Cette distinction est reprise par la circulaire DHOS/SDO n° 2003-413 du 27 août 2003 relative aux établissements de santé publics et privés pratiquant la réanimation, les soins intensifs et la surveillance continue.
Les unités de réanimation pédiatrique peuvent comprendre en leur sein une unité de réanimation néonatale.
La prise en charge en réanimation néonatale a pour objet “ la surveillance et les soins spécialisés des nouveaux nés présentant des détresses graves ou des risques vitaux ” (article R.6123-42 du code de la santé publique).
Au regard de la spécificité des services de réanimation pédiatrique, l’accueil de l’enfant malade et de sa famille se situe non seulement sur l’aspect des soins mais aussi sur une prise en charge psychologique du jeune patient et de ses parents.
2. L’accueil de l’enfant et de sa famille
2.1 L’accueil de l’enfant
L’enfant étant reconnu en droit comme une personne vulnérable, le droit aux meilleurs soins possibles est un droit fondamental reconnu aux enfants au sein de la Charte européenne de l’enfant hospitalisé.
L’ article 2 de cette charte énonce notamment que :
“ Un enfant hospitalisé a le droit d’avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui jour et nuit, quel que soit son âge ou son état ”.
Chaque enfant est une personne avec ses besoins propres. Le personnel médical doit par conséquent être vigilant et doit tenir compte des éventuelles spécificités liées à l’état de santé de l’enfant.
La circulaire n° 83-24 du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants émet des recommandations afin que l’accueil de l’enfant et de ses parents s’effectue dans les meilleures conditions. Par exemple, la circulaire dispose que, lors de l’admission, la présence rassurante d’un objet privilégié est indispensable pour l’enfant. Il est préférable que l’enfant conserve ses vêtements qui sont un lien supplémentaire avec son univers familier.
Il est également établi que les enfants ne doivent pas être admis dans des services d’adultes. Ils doivent être réunis par groupes d’âge pour bénéficier de jeux, loisirs, activités éducatives adaptés à leur âge en toute sécurité. Leurs visiteurs doivent être acceptés sans limite d’âge.
Enfin, l’hôpital doit fournir aux enfants un environnement correspondant à leurs besoins physiques, affectifs et éducatifs, tant sur le plan de l’équipement médical que du personnel et de la sécurité. Cette exigence doit être d’autant plus respectée au sein d’un service de réanimation pédiatrique du fait de l’état de santé précaire des enfants qui y sont admis.
2.2 L’accueil des parents au sein des services de réanimation pédiatrique
Au sein des services de réanimation pédiatrique, les parents sont aujourd’hui considérés comme de véritables acteurs de la santé physique et psychique de leur enfant et non plus comme de simples visiteurs, le contact direct entre l’enfant et ses parents étant aujourd’hui reconnu comme essentiel.
Ainsi, l’article 3 de la Charte de l’enfant hospitalisé énonce que “ On encouragera les parents à rester auprès de leur enfant et on leur offrira pour cela toutes les facilités matérielles, sans que cela n’entraîne un supplément financier ou une perte de salaire. On informera les parents sur les règles de vie et les modes de faire propres au service afin qu’ils participent activement aux soins de leur enfant ”.
La circulaire du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants a notamment institutionnalisé les possibilités d’admission conjointe des parents et de leur enfant à l’hôpital : tout doit être ainsi mis en œuvre afin que les parents soient présents 24 heures sur 24 auprès de leur enfant.
Une admission conjointe permet au père ou à la mère de rester auprès de leur enfant, tout au long de son hospitalisation ou seulement pendant une période d’adaptation.
Une circulaire DH/EO3 n° 98-688 du 23 novembre 1998 relative au régime de visite des enfants hospitalisés en pédiatrie impose aux hôpitaux de créer des aménagements permettant aux parents d’être reçus au sein des services pédiatriques ou/et de réanimation néonatale. Peuvent ainsi être instaurés :
- l’aménagement des horaires de visite. A ce sujet, l’arrêté du 25 avril 2000 relatif aux locaux de pré-travail et de travail, aux dispositifs médicaux et aux examens pratiqués en néonatologie et en réanimation néonatale énonce en son article 12 que “ sauf si le personnel médical ou d’encadrement du secteur ne l’estime pas souhaitable, le père et les frères et sœurs du nouveau né doivent pouvoir bénéficier d’un régime de visite le plus souple possible ”,
- des aménagements peu coûteux tels que l’installation de lits pliants auprès des enfants,
- des aménagements plus coûteux tels que l’aménagement d’une pièce ou d’une chambre à proximité du service concerné pour que les parents aient la possibilité de se reposer, ou bien encore la création de pièce familiale où la rencontre “ enfant - membres de sa famille” peut avoir lieu dès lors que l’état du bébé s’améliore.
A ce titre, l’arrêté du 25 avril 2000 relatif aux locaux de prétravail et de travail, aux dispositifs médicaux et aux examens pratiqués en néonatologie et en réanimation néonatale dispose en son article 1er que “ (…) la conception et la surface des locaux sont adaptées à la réalisation des soins et des autres activités de l’établissement. Elles tiennent compte de la surface supplémentaire nécessaire à la présence des accompagnants si celle-ci est autorisée (…) ”.
“ De façon générale, l’organisation de la maternité doit permettre la présence de l’enfant auprès de sa mère. Il faut éviter les séparations inutiles et aménager les transferts qui s’avèrent nécessaires. Pour la mère qui n’a pas pu être transférée avec son enfant, il conviendra de prévoir l’organisation de visites dans le service où il est hospitalisé chaque fois que cela est possible. Dans tous les cas, elle sera mise en relation directe avec un membre de l’équipe de ce service. En tout état de cause, tout sera mis en œuvre pour favoriser les relations entre les parents et l’enfant. Le père ne doit pas être marginalisé mais bénéficier du même soutien car c’est le couple parental qui a besoin d’accompagnement. Les frères et sœurs, les grands-parents peuvent aussi avoir besoin d’aide ou être associés au rôle de soutien ” (Circulaire DMOS/E1/DGS/DGAS, n° 2002-269 du 18 avril 2002 relative à l’accompagnement des parents et à l’accueil de l’enfant lors de l’annonce pré et postnatale d’une maladie ou d’une malformation).
Quoi qu’il en soit, la diversité des situations auxquelles les professionnels peuvent être confrontés justifie de mettre en œuvre une prise en charge personnalisée.
3. La prise en charge morale de l’enfant et de ses parents
3.1 La prise en charge morale de l’enfant
Au sein des services de réanimation pédiatrique, la présence permanente d’enfants prématurés, en bas âge mais également d’enfants en âge d’être scolarisés et d’adolescents oblige l’équipe soignante à “ être formé à répondre aux besoins psychologiques et émotionnels des enfants et de leur famille ” (article 8 de la Charte européenne de l’enfant hospitalisé).
La prise en charge morale de l’enfant se traduit au sein des services de réanimation pédiatrique par l’attention permanente que les soignants lui portent. Ainsi, l’écoute de ses souffrances, de ses angoisses, comme une attention particulière à tous ses besoins sont primordiales.
Pour que l’enfant soit lui même acteur de sa propre santé, l’article 4 de cette charte énonce que “ les enfants et leurs parents ont le droit de recevoir une information sur la maladie et les soins, adaptée à leur âge et leur compréhension, afin de participer aux décisions les concernant ”.
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé va même plus loin en énonçant que “ le consentement du mineur (…) doit être systématiquement rechercher s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ” (article L.1111-4 du code de la santé publique).
3.2 Prise en charge morale des parents
Au sein des services de réanimation pédiatrique et plus particulièrement en réanimation néonatale, les enfants sont en situation de détresse grave. Les parents peuvent se sentir perdus face à cette situation critique et impressionnés devant l’appareillage médical entourant leur enfant. Le personnel médical d’un tel service est donc tenu à un devoir particulier d’information et de présence auprès des parents. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est venue renforcer ce devoir d’information : Cette information qui incombe à tout membre du personnel médical porte “ sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ”( article L.1111-2 du code de la santé publique).
La présence d’un psychiatre ou psychologue peut être parfois nécessaire (Article D.6124-61 du code de la santé publique), principalement lorsque le pronostic vital du bébé est incertain et/ou en cas d’annonce de mauvaises nouvelles.
L’accompagnement des parents débute dès le premier entretien de la prise en charge thérapeutique de l’enfant.
Si chaque équipe soignante doit trouver une réponse appropriée à chaque situation, quelques principes généraux guident les professionnels pour soutenir les parents. Il est indispensable que l’équipe soignante soit alors disponible tout au long du séjour de l’enfant.
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) recommande dans son avis n° 65 du 25 septembre 2000 relatif aux réflexions éthiques autour de la réanimation néonatale que :
“ L’information fournie doit être la plus complète possible, sans craindre de signaler les points encore non formellement établis. Cette information sera renouvelée, complétée, réévaluée en permanence en fonction de l’évolution de la situation médicale du nouveau né au cours de son séjour en réanimation ”.
Bien entendu, le dialogue engagé par l’équipe médicale tiendra compte des forces et des faiblesses des parents qui auront à assumer la charge de l’enfant après sa sortie des soins intensifs. Toutefois, si l’implication des parents est essentielle, ainsi que l’instauration d’un dialogue, il faut toutefois souligner les limites de la communication dans un tel moment d’épreuve pour les parents. Ainsi, tout n’est pas forcément avouable. Ce sera alors à l’équipe soignante de décider ce qui peut être dit ou pas aux parents.
Concernant les discussions qui précèdent la prise de décision, il est possible au regard du modèle anglo-saxon de faire participer des personnes qui ne font pas partie de l’équipe soignante : à savoir, les comités d’éthique, les membres d’associations de familles ou de malades.
Le CCNE conclut à ce sujet que “ des lieux d’échange pourraient ainsi compléter l’action essentielle des psychologues et des psychiatres des équipes soignantes auprès des parents et auprès des équipes qui peuvent éprouver une vraie détresse psychologique et morale ”.
Outre l’instauration d’un dialogue médecins – parents, les parents doivent être acteurs de la santé de leur enfant et doivent pouvoir ainsi participer à ses soins. De même, ils doivent pouvoir assister aux soins médicaux et infirmiers s’ils le souhaitent. Seule restriction à ce principe : leur présence ou leur comportement ne doit pas être gênant (Circulaire n° 83-24 du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants).
Dès que l’équipe soignante l’estime possible, les parents doivent être invités à avoir un contact direct avec le nouveau né. Ils peuvent ainsi lui donner quelques soins élémentaires avec l’aide du personnel soignant tels que le nourrir, le changer, faire sa toilette, l’accompagner …
Au regard des expériences anglo-saxonnes en la matière, lorsque les parents demandent d’assister à la réanimation, les membres de l’équipe médicale sont tenus de faire droit à cette demande. Toutefois, la présence des parents dans la salle de réanimation néonatale ne doit pas entraver le travail technique de l’équipe médicale.
Enfin, seule l’urgence médicale peut empêcher l’équipe soignante d’informer les parents de l’état de santé de leur enfant. En effet, agir et informer ne sont pas toujours conciliables. Comme dans d’autres cas d’urgence médicale, la décision du médecin concernant une possible réanimation repose sur sa seule expérience. Il décidera avec les membres de son équipe médicale et informera le plus rapidement possible les parents de la situation et des décisions en cours, leur permettant ainsi de comprendre ces décisions et d’y être associés, même tardivement.