M. Y., atteint de trisomie 21, a été admis au service des urgences de l'hôpital Z. (AP-HP) le 25 juin 2009 en raison d'un syndrome occlusif. Il a subi une intervention chirurgicale en urgence et a été transféré, le 30 juin 2009, dans le service d'hépato-gastroentérologie de cet hôpital, puis, le 17 août 2009, au Centre médical A. Son état général s'est dégradé : il à nouveau été transféré à l'hôpital Z. le 21 décembre 2009, où il est décédé le 22 janvier 2010. Agissant pour M. X., M. Z. soutient que l'expert médical "n'a pas disposé de tous les éléments utiles, tels que les radiographies et scanners pour évaluer la qualité des soins dispensés à M. Y.". Il demande réparation du préjudice moral en résultant. Le Tribunal estime sur le fond que " M. Y. a bien reçu les traitements nécessaires à la prise en charge de sa pathologie des genoux, que les interruptions temporaires de ces traitements étaient justifiées par des motifs engageant le pronostic vital et qu'elles ne présentent pas de lien de causalité directe avec son décès ; que, dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le défaut de communication des clichés réclamés par M. X. aurait privé ce dernier d'une information complète sur les responsabilités encourues à raison du décès de M. Y. ou qu'il aurait privé ce dernier de recevoir les soins appropriés à sa pathologie du genou". Il rejette donc les conclusions tendant à la condamnation de l'AP-HP à verser une somme d'argent au titre de la réparation du préjudice moral allégué. |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
N°110257216-3
M. X.
M. Dayan Rapporteur
Mme Nikolic Rapporteur public
Audience du 26 septembre 2013
Lecture du 16 octobre 2013
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Paris (6ème Section - 3ème Chambre)
Vu le jugement avant dire droit du 16 février 2012 par lequel le Tribunal a ordonné une expertise aux fins de statuer sur la requête n° 1102572 présentée pour M. X, demeurant…, par Me Briollet ;
Vu le mémoire enregistré le 23 janvier 2013, présenté pour M. X., tendant aux mêmes fins que la requête par les moyens déjà invoqués ; M. X. soutient en outre que l'expert a minimisé les conséquences de l'arrêt du traitement par colchicine et zyloric administré à M. Y., notamment au cours de son hospitalisation du 25 juin au 4 août 2009 ; que par ailleurs il n'a pas disposé de tous les éléments utiles, tels que les radiographies et scanners pour évaluer la qualité des soins dispensés à M. Y. ;
Vu le mémoire enregistré le 6 juin 2013, présenté par l'Office National d'indemnisation des Accidents Médicaux tendant à sa mise hors de cause ;
L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux soutient que les conditions d'une indemnisation du requérant au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L. 1142-1-II du code de la santé publique ne sont pas réunies ;
Vu le mémoire enregistré le 6 juin 2013, présenté par M. X., tendant aux mêmes finsque le mémoire précédent ; M. X. demande en outre au Tribunal :
- d'ordonner à l'Assistance publique hôpitaux de Paris de produire les clichés radiologiques des genoux de M. Y. du 19 août 2009 ainsi que le compte-rendu de ces clichés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
- d'ordonner une mesure de contre-expertise ;
- de condamner l'Assistance publique hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral résultant de la perte des clichés radiologiques et la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral consécutif au décès de M. Y. ;
- de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral consécutif au décès de M. Y.
- de mettre à la charge de l'Assistance publique hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me Briollet au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du I0 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- de condamner l'Assistance publique hôpitaux de Paris aux entiers dépens ;
M. X. soutient en outre que M. Y. a présenté plusieurs infections nosocomiales ;
Vu le courrier envoyé aux parties le 13 juin 2013, les informant, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, d'un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles présentées par M. X. tendant à la condamnation de l'Assistance publique hôpitaux de Paris à réparer un préjudice moral résultant d'un défaut de communication de clichés radiographiques ;
Vu le mémoire récapitulatif enregistré le 11 septembre 2013, présenté pour M. X., tendant aux mêmes fins que le mémoire précédent ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2013, présenté par l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris, tendant au rejet de la requête ou à ce que le Tribunal ramène le montant de l'indemnité à un niveau plus réaliste ;
L'Assistance Publique Hôpitaux de Paris soutient qu'aucune faute médicale ou de fonctionnement du service hospitalier n'est à l'origine du décès de M. Y. ; que le patient n'a pas contracté d'infection nosocomiale ; que les souffrances de M. Y. et la dégradation de son état général ont été correctement prises en charge par le personnel hospitalier et ne justifient pas le montant excessif réclamé par M. X. au titre de son préjudice moral ;
Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle de Paris du 17 novembre 2010, accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X. ;
Vu l'ordonnance du 23 avril 2012 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a désigné M. Bernard Millet en qualité d'expert ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe le 4 décembre 2012 ;
Vu I'ordonnance du 20 février 2013 liquidant et taxant les frais d'expertise ;Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :
- le rapport de M. Dayan, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Nikolic, rapporteur public ;
- et les observations de Me Briollet, pour M. X., requérant ;
Sur la responsabilité de l'Assistance publique hôpitaux de Paris:
1. Considérant qu'aux termes de l'article L1142-1 du code de la santé publique : « L - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. » ;
2. Considérant que M. Y., alors âgé de 59 ans, atteint de trisomie 21, a été admis au service des urgences de l'hôpital Z. le 25 juin 2009 en raison d'un syndrome occlusif ; qu'il a subi une intervention chirurgicale en urgence et a été transféré, le 30 juin 2009, dans le service d'hépato-gastroentérologie de cet hôpital, puis, le 17 août 2009, au Centre médical A. ; que l'état général de M. Y. s'étant dégradé, il a été de nouveau transféré à l'hôpital Z. le 21 décembre 2009, où il est décédé le 22 janvier 2010 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que le traitement par colchicine administré à M. Y. pour la prise en charge d'inflammations articulaires, d'une arthrose débutante des hanches et d'une chondrocalcinose des genoux, a été interrompu entre le 25 juin et le 4 août 2009 afin d'éviter les effets secondaires de ce médicament favorisant les diarrhées et risquant de mettre en jeu le pronostic vital du patient en masquant une reprise normale du transit intestinal à la suite de l'intervention du 25 juin 2009 ; que ce traitement a de nouveau été interrompu entre le 10 et le 17 août 2009, du fait de l'apparition de diarrhées, de déshydratation, d'hypotension et d'une dégradation de l'état général du patient ; que la colchicine a été de nouveau administrée au patient lors de sa seconde hospitalisation à l'hôpital Z., en raison d'une bonne hydratation du patient et de l'amélioration de son transit digestif ; que, concernant le Zyloric, ce médicament a été administré au patient avec contrôle de son acide urique, puis interrompu jusqu'à la reprise du transit intestinal et repris à la suite de dosages biologiques négatifs de l'acide urique ; que, dès lors, M. X., oncle de M. Y. n'est pas fondé à soutenir que les deux interruptions temporaires de la colchicine, effectuées en juin et août 2009 et rendues nécessaires par l'intervention chirurgicale et les problèmes intestinaux du patient, n'auraient pas été conformes aux règles de l'art ou qu'elles constitueraient une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris ; qu'au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que les deux interruptions temporaires de la colchicine, médicament destiné à traiter les douleurs des genoux du patient, auraient été à l'origine d'une immobilisation du patient ou que l'immobilisation du patient, au demeurant liée à ses pathologies multiples et à la dégradation de son état générai, aurait provoqué une aggravation de ses pathologies pulmonaires et conduit à son décès ; qu'il résulte des constatations de l'expert désigné par le Tribunal que le décès de M. Y., survenu le 22 janvier 2010, a pour origine une insuffisance pulmonaire chronique, des épisodes de surinfection bronchique à répétition, un syndrome occlusif et un état de dénutrition chronique ; que, dès lors, les interruptions de traitement médicamenteux mises en cause par M. X., outre qu'elles ne sont pas fautives, ne présentent aucun lien de causalité directe avec le décès de M. Y. ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise réclamée par le requérant pour déterminer si la pathologie des genoux de M. Y. et l'interruption de son traitement ont contribué au décès de ce dernier, il y a Iieu de rejeter les conclusions tendant à la condamnation de l'Assistance publique hôpitaux de Paris à raison du décès de M. Y. ;
4. Considérant, en second lieu, que M. X. demande, par ailleurs, au Tribunal de condamner l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris à l'indemniser au titre du préjudice moral résultant du défaut de production des clichés radiologiques des genoux de M. Y. et du compte-rendu effectués le 19 août 2009 ; qu'il fait valoir que l'expert n'a pu disposer de ces éléments pour se prononcer sur les responsabilités encourues à raison du décès de M. Y. et sur la qualité des soins qui lui ont été administrés ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été exposé ci-dessus, que M. Y. a bien reçu les traitements nécessaires à la prise en charge de sa pathologie des genoux, que les interruptions temporaires de ces traitements étaient justifiées par des motifs engageant le pronostic vital et qu'elles ne présentent pas de lien de causalité directe avec son décès ; que, dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le défaut de communication des clichés réclamés par M. X. aurait privé ce dernier d'une information complète sur les responsabilités encourues à raison du décès de M. Y. ou qu'il aurait privé ce dernier de recevoir les soins appropriés à sa pathologie du genou ; qu'il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin par ailleurs d'ordonner la communication des clichés radiologiques, de rejeter les conclusions tendant à la condamnation de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris à verser à M. X. une somme de 10 000 euros au titre d'un préjudice moral consécutif au défaut de communication de ces clichés ;
Sur les conclusions tendant à la mise en jeu de la solidarité nationale:
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : « Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales » ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal, que M. Y. présentait un état d'encombrement bronchique chronique avec épisodes fréquents de surinfection antérieurement à ses deux hospitalisations des 25 juin et 21 décembre 2009 à l'hôpital Z. ; que, dès lors, la reprise, le 1er janvier 2010, du foyer infectieux dont il était porteur avant l'hospitalisation au cours de laquelle son état s'estdégradé et qui a contribué à son décès, ne peut être regardé comme une infection à caractère nosocomial ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions dirigées par le requérant contre l'ONIAM et fondées sur l'existence d'une infection nosocomiale ayant provoqué le décès ou y ayant contribué au sens des dispositions précitées de l'article L1142-1-1 du code de la santé publique ;
Sur les frais d'expertise:
7. Considérant que M. X. a été admis à l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 700 euros, à la charge de l'Etat ;
Sur l'application de I'article L. 761-1 du code de justice administrative:
8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aujuge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X. doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE:
Article 1: La requête de M. X. est rejetée.
Article 2 : Les frais d'expertise, d'un montant de 1 700 euros (mille sept cents) sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X., à la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à I’Assistance Publique Hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.