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Cour d’appel de Montpellier, 12 janvier 2012, n° 2012-11 (Soins psychiatriques – Loi du 5 juillet 2011 – Réintégration – Hospitalisation complète – Fugue)

En l’espèce, un patient admis en soins sur décision du représentant de l’Etat ne respectait pas les mesures indiquées dans son programme de soins et a donc fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant réadmission en hospitalisation complète alors même qu’il était en fugue. Il est indiqué dans l’exposé des motifs que le ministère public a fait valoir que la saisine du JLD était sans objet dès lors que le patient est en fugue de l’établissement où le programme de soins devait être mis en œuvre et qu’il appartenait à l’autorité administrative de faire inscrire au fichier des personnes recherchées le patient en application de l’article 2 III 6° du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 et de ressaisir le JLD dans le délai légal dès lors que la mesure d’hospitalisation complète sous contrainte sera redevenue effective.

Les juges du fond considèrent que le patient, n’ayant pas réintégré l’hôpital, « ne se trouve pas sous surveillance médicale constante en hospitalisation complète, mais bien en fuite de l’hôpital » que ce soit lorsque le préfet saisit le juge ou lorsque le juge statue. Elle précise que « nonobstant l’arrêté préfectoral de réadmission en hospitalisation complète, la mission du juge étant de statuer sur une mesure privative de liberté effective et non à venir, aucun élément nouveau n’étant en outre produit en cause d’appel sur la situation du patient, la demande intitulée de maintien d’une hospitalisation complète, qui ne correspond pas aux faits, est sans objet ».

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de BEZIERS en date du 27 Décembre 2011 enregistrée au répertoire général sous le n° 11/101.

APPELANT
Monsieur LE PREFET DE L'HERAULT, demeurant ARS du Languedoc Roussillon - 26.28 Parc Club du Millénaire 1025 rue Becquerel CS 30001 -34067 MONTPELLIER cedex 2
non comparant, ni représenté

EN PRESENCE DE :
Monsieur ...
né le ... à , demeurant ... non comparant

LE PROCUREUR GENERAL
près de la Cour d'Appel 1 rue Foch
34000 MONTPELLIER
comparant en la personne de Mr Pierre DENIER, avocat général,
*_*_*_*_*

DEBATS

L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, devant Madame Catherine LELONG, Conseiller, déléguée par ordonnance n°2011¬321 du Premier Président en date du 16 décembre 2011, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas RIEUCAUD, faisant fonction de greffier.

ORDONNANCE Réputée contradictoire,
Signée par Madame Catherine LELONG, Conseiller et Monsieur Nicolas RIEUCAUD, faisant fonction de greffier et rendue par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2012, par application de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,
Vu le décret n°2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu l'ordonnance rendue le 27 Décembre 2011par le Juge des libertés et de la détention de Béziers, qui a déclaré irrecevable la saisine de Mr le Préfet de l'Hérault en date du 30 novembre 2011,
Vu l'appel interjeté par Mr le Préfet de l'Hérault par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 05 janvier 2012,
Vu les conclusions du ministère public en date du 12 janvier 2012,

LES FAITS

..., mis en examen pour tentative d'assassinat et dégradations volontaires par incendie, a fait l'objet d'un non lieu pour irresponsabilité pénale et d'un arrêté d'hospitalisation d'office au centre hospitalier de Thuir pris par le préfet des Pyrénées Orientales le 26 septembre 2005.
Par arrêté préfectoral du 14 octobre 2005, il a été transféré en hospitalisation d'office au centre hospitalier de la Colombière à Montpellier, puis par arrêté du 03 janvier 2006, au centre hospitalier de Béziers.
Par arrêté du 29 avril 2011, faisant suite aux arrêtés des 05 mai 2010 et 31 janvier 2011, il a été accordé à ... un renouvellement de sortie d'essai du 05 mai 2011 au 05 août 2011 avec suivi ambulatoire.
Le 27 mai 2011, ... ne s'est plus présenté aux consultations.
Par arrêté du 09 juin 2011, la réintégration de ... au centre hospitalier Camille CLAUDEL de Béziers a été ordonnée avec annulation de la mesure de sortie d'essai.
La réintégration de ... a été effectivement réalisée, le 04 octobre 2011 avec le concours des forces de l'ordre, un certificat médical étant établi en ce sens le même jour.
Par ordonnance du 18 octobre 2011, le juge des libertés et de la détention de Béziers, saisi par M. Le Préfet de l'Hérault le 13 octobre 2011, a ordonné le maintien en hospitalisation complète de ....
Par nouvel arrêté du 31 octobre 2011, M. Le Préfet de l'Hérault a autorisé la prise en charge de ... sous une autre forme que l'hospitalisation complète, dans le cadre d'un programme de soins, l'autorisant à sortir seul de l'établissement deux fois par semaine.
Le 18 novembre 2011, ... n'a pas réintégré l'hôpital.
Par arrêté du 21 novembre 2011, la réadmission en hospitalisation complète de ... a de nouveau été ordonnée.
Par ordonnance du 27 décembre 2011, le juge des libertés et de la détention de Béziers a déclaré irrecevable la saisine en date du 30 novembre 2011 de Mr le Préfet de l'Hérault aux fins de poursuite en hospitalisation complète au delà de 15 jours de ....

EXPOSE DU LITIGE

Dans sa déclaration d'appel, il fait valoir que:
- le juge de la liberté et de la détention n'a pas statué dans le délai de 15 jours, à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge, soit le 14 décembre 2011, que conformément à l'article L3213-12-1-IV, la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, que ... ne bénéficie plus de soins psychiatriques sur décision du préfet, que s'il était retrouvé, il ne pourrait plus être réhospitalisé, malgré sa dangerosité attestée par certificat médical du 18 novembre 2011,
-la production des certificats mentionnés à l'article L3211-2-2 ne s'imposait pas, dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une mesure d'admission, mais d'une mesure modifiant la forme de la prise en charge, que si le certificat médical à établir entre le Sème et le Sème jour, n'a effectivement pas été établi, c'est parce que le patient est absent,
-l'avis conjoint rendu par un collège, ... étant en soins psychiatriques au titre de l'article L3213-7, a été communiqué en annexe de la saisine du juge.
Le représentant de Mr le Préfet de l'Hérault sollicite ainsi, au vu de la dangerosité du patient, admis au titre de l'article L3213-7, attesté par l'avis du collège, l'infirmation de l'ordonnance entreprise et le maintien de l'hospitalisation complète de ....
Le ministère public fait valoir que la saisine du juge des libertés et de la détention était sans objet, dès lors que le patient est en fugue de l'établissement où le programme de soins devait être mis en oeuvre, qu'il appartient à l'autorité administrative de faire inscrire au fichier des personnes recherchées Mr ..., en application de l'article 2 III 6° du décret 2010-569 du 28 mai 2010, et de ressaisir le juge dans le délai légal, dès lors que la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte sera redevenue effective.
... n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Si l'article 4 du code de procédure civile dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, l'article 12 du même code indique que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit vérifier, même d'office, que les conditions d'application de la loi sont remplies, donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Il ressort ainsi des pièces du dossier, que ... n'est plus en hospitalisation complète depuis le 01 novembre 2011, compte tenu de l'arrêté préfectoral du 31 octobre 2011, qui a validé le programme de soins l'autorisant à sortir seul de l'établissement deux fois par semaine, alors que quelques semaines auparavant, le 04 octobre 2011, il avait dû être réintégré de force dans l'établissement de soins, que le juge des libertés et de la détention de

Béziers avait ordonné le 18 octobre 2011 son maintien en hospitalisation complète, en rappelant qu'il devait être à nouveau saisi avant l'expiration d'un délai de 6 mois, que ... se trouve à nouveau en état de fuite depuis le 18 novembre 2011.
Le 30 novembre 2011, le docteur ..., psychiatre participant à la prise en charge du patient et le docteur ..., psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient et ..., cadre de santé, dans un écrit intitulé "avis du collège, article L3211-9 du code de la santé publique", ont indiqué sommairement : "que depuis la fugue de ... le 18 novembre 2011, alors qu'il était en programme de soins sous forme d'une hospitalisation partielle avec deux permissions de sortie par semaine et le certificat médical de réintégration rédigé le même jour, nous sommes toujours sans nouvelle de ce patient..., qui nécessite toujours sa réintégration dans les meilleurs délais."

Au vu de ces différents éléments, de la communication des pièces essentielles du dossier de l'intéressé, des certificats médicaux les plus utiles, de l'avis du collège de professionnels du 30 novembre 2011, faute pour le premier juge de caractériser une fin de non recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Béziers du 27 Décembre 2011 sera infirmée, en ce qu'elle a déclaré irrecevable la saisine du préfet de l'Hérault aux fins de poursuite en hospitalisation complète au delà de 15 jours de ....

Pour autant, ..., n'ayant pas réintégré l'hôpital de Béziers le 18 novembre 2011, ne se trouve pas sous surveillance médicale constante en hospitalisation complète, mais bien en fuite de l'hôpital, que ce soit le 30 novembre 2011 lorsque le préfet saisit le juge, que le 27 décembre 2011 lorsque le juge statue.

Ainsi, nonobstant l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2011 intitulé de "réadmission en hospitalisation complète", la mission du juge étant de statuer sur une mesure privative de liberté effective et non à venir, ... étant en fuite de l'hôpital de Béziers depuis le 18 novembre 2011, aucun élément nouveau n'étant en outre produit en cause d'appel sur la situation du patient, la demande intitulée de maintien d'une hospitalisation complète de ... formée par Mr le Préfet de l'Hérault, qui ne correspond pas aux faits, est sans objet.
Il convient donc d'infirmer en ce sens l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après débats en chambre du conseil dans les formes requises par les textes susvisés,
Déclarons recevable l'appel formé par Mr le Préfet de l'Hérault,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Béziers en date du 27 Décembre 2011, en ce qu'elle a déclaré irrecevable la saisine du préfet de l'Hérault aux fins de poursuite en hospitalisation complète au delà de 15 jours de ...,
Et statuant à nouveau,
Constatons que ... ne se trouve pas sous surveillance médicale constante, en hospitalisation complète au centre hospitalier de Béziers,
Déclarons en conséquence sans objet la saisine du juge des libertés et de la détention de Béziers formée le 30 novembre 2011 par le préfet de l'Hérault en maintien de l'hospitalisation complète de ...,
Laissons les dépens à la charge du trésor public,
Disons que la présente décision est portée à la connaissance de la personne qui fait l'objet de soins par le greffe de la cour d'appel,
Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement et à monsieur le préfet.