I) Droit d’accès des ayants-droit au dossier médical d’une personne décédée
De son vivant, un patient est le seul dépositaire du droit de communication à son dossier médical (hors cas du mineur ou du majeur protégé).
Après le décès d’un patient, les ayants-droit de ce dernier peuvent accéder à son dossier médical, dans les conditions prévues à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, sous réserve d’une éventuelle opposition exprimée par le défunt de son vivant (art. L. 1111-7 CSP ; CADA, 13 juin 2022, Directeur du CHU d’Angers).
L’article L. 1110-4 du même code énonce que « le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à :
- ses ayants droit,
- son concubin,
- ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS),
dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. ».
II) Etendue du droit d’accès des demandeurs
Sauf volonté contraire du défunt exprimée de son vivant, l'accès à son dossier médical par ses ayants-droit, son concubin ou son partenaire lié par un PACS n'est possible que dans la mesure où la demande de ces derniers est justifiée par l'un des trois motifs suivants :
- Leur permettre de connaître les causes de la mort ;
- Leur permettre de défendre la mémoire du défunt ;
- Leur permettre de faire valoir leurs droits.
Le demandeur doit préciser lors de sa demande le motif pour lequel il a besoin d'avoir connaissance de ces informations. Seules les informations nécessaires à la réalisation de l'objectif poursuivi lui sont communicables (CE, 26 septembre 2005, CNOM; avis CADA du 5 juillet 2007).
Le demandeur doit préciser les circonstances qui le conduisent à invoquer ce motif, afin de permettre à l'équipe médicale d'identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l'objectif correspondant (CADA, n° 20064554, 26 oct. 2006 ; n° 20192033 et 20192055, 31 déc. 2019). Elle peut être amenée à transmettre l’ensemble du dossier ou se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l'objectif poursuivi, à l’exceptions des documents non communicables par nature.
L’établissement doit veiller à ne pas communiquer « des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers » (art. L. 1111-7 CSP), ainsi que les informations que le patient ne souhaitait pas divulguer.
Dès lors que les conditions sont remplies, l’établissement ne pourra s’opposer à la demande des demandeurs, qui auront accès de plein droit (CADA, Centre hospitalier de Cornouaille, conseil n° 20122968).
A) Droit d’accès des ayants-droit
1/ Notion d’ayant-droit
La notion d’ayant droit vise tous les successeurs légaux ou testamentaires du défunt, en application des dispositions du code civil. Il peut s’agir des membres de la famille du défunt arrivant en rang utile pour succéder ou des successeurs désignés par une libéralité du défunt (art. 731 et s. code civil ; CADA n° 20084024, 23 oct. 2008, Directeur du centre hospitalier de Sambre Avesnois).
Les bénéficiaires d’une assurance sur la vie ou d’une assurance-décès, qui ne seraient pas des héritiers légaux ou testamentaires, ne présentent pas la qualité d’ayant-droit au sens de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique (CE 30 déc. 2015, n° 380409 B. ; CADA, avis n° 20140853, 27 mars 2014). Il en va de même pour le notaire chargé de la succession du défunt.
2/ Ordre des ayants-droit
L’article 734 du code civil prend ainsi application et dispose ce qui suit :
« En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit :
1° Les enfants et leurs descendants ;
2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ;
3° Les ascendants autres que les père et mère ;
4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.
Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants. ».
Ainsi, s’agissant des ayants droit susceptibles d’accéder sur leur demande au dossier médical d’une personne décédée, il convient de respecter l’ordre des parents héritiers, chacune des quatre catégories de parent constituant « un ordre d’héritiers qui exclut les suivant ».
Par exemple, la CADA a considéré que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt (ou leurs descendants), ou, en l'absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d'ayant-droit. Cette situation prive de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants, père et mère, en l'absence de dispositions testamentaires contraires (CADA, avis n° 20121675, 5 avr. 2012).
Ainsi, la présence d'un conjoint successible ne fait normalement pas obstacle à ce que les enfants, ou les héritiers de ceux-ci s'ils sont décédés, se voient reconnaître la qualité d'ayants droit du défunt au sens des dispositions de l'article L. 1110-4 du Code de la santé publique. Lorsque plusieurs personnes disposent effectivement de la qualité d'héritier, chacune d'elles peut exercer le droit d'accès que garantit cet article. L'existence d'un conflit entre ayants droit ne peut être invoquée pour refuser la communication du dossier à l'un d'entre eux, dès lors qu'il remplit les conditions légales d'accès (CADA, avis n° 20104663, 2 déc. 2010, Directeur du Centre hospitalier George-Sand – site de Bourges).
3/ Modalités d’accès
Il appartient à l’établissement de santé de vérifier la qualité d'ayant droit d’une personne, qui peut être établie par tout moyen, par exemple par un livret de famille, la copie d’un acte de naissance ou par un acte de notoriété (CADA, avis n° 20190636, 31 déc. 2019).
La qualité d'ayant droit est à elle seule suffisante et « aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise l'administration à refuser la communication d'un dossier en excipant des risques de conflit entre ayants droit » (avis CADA, 28 février 2002).
Si la qualité d'ayant droit est prouvée pour chacun des demandeurs, l'hôpital est tenu de répondre à chaque demande d'accès. En effet, « lorsque plusieurs personnes disposent effectivement de la qualité d'héritier et donc, d'ayant droit, […] chacune d'entre elles peut exercer le droit d'accès [garanti par la loi] au dossier médical du défunt » (CADA, conseil n° 20104663, 2 déc. 2010, Directeur du Centre hospitalier George-Sand – Site de Bourges).
4/ Personne mandatée par un ayant-droit
L'ayant-droit d'une personne décédée peut mandater une personne afin d'obtenir la communication d'informations médicales la concernant (CADA, conseil n° 20081938, 19 juin 2008, Secrétaire général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris).
5/ Cas spécifique de l’ayant-droit mineur
Si l'ayant-droit du patient décédé est mineur, il ne peut avoir accès aux informations médicales contenues dans le dossier du défunt que par l'intermédiaire de son représentant légal (en principe le ou les titulaires de l'autorité parentale). Il ne sera donné suite à la demande que si le patient ne s’est pas opposé, de son vivant, à l’accès aux informations médicales contenues dans le dossier.
Le représentant légal doit, dans cette situation :
- Demander l'accès au dossier médical du patient décédé au nom de l'ayant droit mineur ;
- Attester que cette demande est destinée à permettre à l'ayant droit mineur de « connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir ses droits » ;
- Produire tout document attestant de sa qualité de représentant légal de l'ayant-droit mineur et de la qualité d'ayant-droit du mineur.
La communication ne pourra porter que sur les seules informations répondant à l'objectif poursuivi par l'intéressé, dans les mêmes conditions que pour un demandeur majeur.
Dans le cas particulier où le patient défunt s’est explicitement opposé à ce que son conjoint ou ex-conjoint, qui se trouve être le représentant légal de leur enfant, se voit communiquer des informations médicales le concernant, la CADA indique qu’il ne doit pas être fait doit à la demande du représentant légal de l’ayant-droit mineur.
Toutefois, afin que le mineur puisse néanmoins accéder aux informations, la CADA précise qu’il « serait possible au juge des tutelles de désigner un tiers mandaté pour représenter » l’ayant-droit mineur afin qu’il accède au dossier médical du patient décédé (CADA, avis n° 20072173, 7 juin 2007, Directeur de l'hôpital Haut-Lévêque de Pessac).
Le représentant légal de l'ayant-droit mineur peut mandater un avocat afin qu’il accède au dossier médical de la personne décédée. Il sera fait droit à la demande de l'avocat dès que ce dernier aura fourni tous les documents nécessaires (preuve de la qualité de titulaire de l'autorité parentale, preuve de son identité, preuve de la qualité d'ayant droit de l'enfant mineur par une copie du livret de famille, par exemple).
B) Droit d’accès du concubin et du partenaire lié par un PACS
Depuis la loi de modernisation de notre système de santé du 21 janvier 2016, il est prévu que en cas de décès d’un patient, son concubin ou son partenaire lié par un PACS peut avoir accès à son dossier médical, dans les conditions des dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique (art. L. 1111-7 CSP).
S’agissant des critères permettant de reconnaitre une situation de concubinage, la CADA s’est fondée sur la jurisprudence préexistante. Elle a considéré que pouvait être reconnu « l'état de concubinage, à la triple condition, premièrement, que la vie commune ait une certaine stabilité imitée du mariage, deuxièmement, qu'elle soit notoire c'est-à-dire connue des tiers et, troisièmement, qu'elle repose sur une mise en commun même partielle de moyens matériels » (CADA, conseil n° 20160797, 14 avril 2016). Elle précise que « la preuve de la qualité de concubin doit également pouvoir être apportée par tous moyens par l'intéressé, c'est-à-dire par production de toute pièce : certificat de concubinage s'il en existe mais également bail commun, factures, courriers, photographies, témoignages écrits ou autres – permettant d'attester de la vie commune, de sa stabilité, de son caractère notoire et de la mise en commun même partielle de moyens matériels ».
Il n'existe pas de hiérarchie entre ayants droit, partenaire lié par un pacte civil de solidarité et concubin. En effet, l’ordre de succession qui s’opère en application de l’article 734 du code civil n’interfèrent pas avec le droit d’accès au dossier médical du concubin ou du partenaire lié par un PACS. Ainsi, la communication du dossier peut se faire simultanément l’ensemble des personnes visées à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique (à savoir ayants-droit, concubin ou partenaire pacsé, CADA, conseil n° 20160797, 14 avr. 2016).
III) La communication des informations portant sur les caractéristiques génétiques d’une personne décédée
La CADA, saisie par l'AP-HP, a précisé dans un avis du 5 juillet 2007 sur ce point que le droit d'accès au dossier médical d'un patient décédé « est fonction du contenu de ces informations médicales en ce sens que des informations médicales ne sont communicables à un ayant droit que dans la mesure où elles sont nécessaires pour atteindre le ou les objectifs qu'il poursuit. Ainsi, selon l'objectif poursuivi par le demandeur et, lorsque cet objectif sera de connaître les causes de la mort, le rôle qu'une maladie ayant une origine ou une traduction génétique aura joué sur le décès du patient, ce droit pourra ou non porter sur des informations relatives à cette maladie et aux caractéristiques génétiques du patient décédé » (voir aussi CADA, avis 18 sept. 2014, Centre hospitalier du Val d'Ariège).
Depuis la loi bioéthique du 2 août 2021, les informations concernant la personne décédée nécessaires à la prise en charge d’une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales, peuvent faire l’objet d’une communication. Ces informations peuvent être délivrées uniquement au médecin assurant cette prise en charge, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (art. L. 1110-4 CSP).
IV) Accès au dossier médical d’un mineur décédé
Alors que le code de la santé publique n’en faisait pas mention, plusieurs avis de la CADA avaient considéré que les représentants légaux d’un mineur pouvaient avoir accès au dossier médical de leur enfant, après son décès, comme c’était déjà le cas de leur vivant (CADA, avis n° 20100382, 28 janv. 2010, Directeur général de l'Assistance publique – hôpitaux de Paris).
La loi de modernisation de notre système de santé du 21 janvier 2016 a entériné cette interprétation en modifiant l’article L. 1110-4 du code de la santé publique comme suit :
« Toutefois, en cas de décès d'une personne mineure, les titulaires de l'autorité parentale conservent leur droit d'accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l'exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s'est opposée à l'obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. ».
V) Notion d’ayant-droit dans la défense des intérêts d’une personne décédée
Un ayant-droit est habilité à défendre les intérêts de la personne décédée dont elle est l’ayant-droit.
De manière générale, l’ayant-droit d’une personne peut agir en justice ou devant la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) afin de demander l’indemnisation des préjudices subis avant son décès par la personne dont elle est l’ayant-droit, et causés par un accident médical, une infection nosocomiale ou une affection iatrogène (Cass. ch. mixte, 30 avr. 1976 ; Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-10.748).
La loi le précise en matière de recherches biomédicales. En effet, en cas de conséquences dommageables résultant de ces recherches, « la personne qui s’y prête et ses ayants-droit » peuvent faire valoir leurs droits devant le tribunal judiciaire ou auprès d’une CRCI (art. L. 1121-10 CSP).
Il en va de même pour les personnes victimes de pathologies liées à l’expositions à l’amiante, leurs ayants-droit peuvent obtenir du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) la réparation intégrale de leur préjudice.
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