Des établissements ont récemment pu se croire fondés, sur la base de diverses jurisprudences, à refuser à certains de leurs agents qui peuvent y prétendre le bénéfice des congés bonifiés.
Ces refus ont suscité des inquiétudes injustifiées au regard de la réglementation en vigueur. Cette circulaire a pour objet d'une part de rappeler la réglementation relative à l'attribution des congés bonifiés dans la fonction publique hospitalière, d'autre part, d'en préciser à nouveau les modalités de mise en oeuvre.
Je vous demande de bien vouloir veiller à ce que ces demandes soient traitées, dans les établissements de votre département, dans le respect absolu de ces règles.
Le deuxième alinéa du 1 de l'article 41 de la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose que 'les fonctionnaires qui exercent leurs fonctions sur le territoire européen de la France et dont le lieu de résidence habituelle est situé dans les départements d'outre-mer bénéficient des congés bonifiés dans les conditions prévues pour les fonctionnaires de l'Etat se trouvant dans la même situation'.
Ces conditions, prévues par le décret n° 78-399 du 20 mars 1978, ont été transposées aux agents hospitaliers par le décret n° 87-482 du 1er juillet 1987 relatif aux congés bonifiés des fonctionnaires hospitaliers en service sur le territoire européen de la France, dont la résidence habituelle est dans un département d'outre-mer.
Les principales dispositions de ce texte consistent :
- à permettre, après trente-six mois de service sans interruption, aux agents concernés de bénéficier de la prise en charge de leur voyage aller-retour vers leur département d'origine ainsi que, le cas échéant, de celui de leur conjoint et de leurs enfants à charge ;
- à accorder à l'occasion de ce voyage, si les nécessités de service ne s'y opposent pas, une bonification de congé d'une durée maximale de trente jours consécutifs ;
- à prévoir, pendant la durée de ce congé bonifié, une majoration de traitement correspondant à la 'prime de vie chère' des fonctionnaires en service dans ces départements.
L'article 1er de ce décret précise que 'le lieu de résidence habituelle s'entend de celui où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'agent'. Il est à noter que, lors de l'examen du projet de texte par le Conseil d'Etat, celui-ci a demandé la disjonction d'un article qui détaillait les critères de définition du centre des intérêts moraux et matériels des fonctionnaires originaires des départements d'outre-mer de façon à ne pas figer cette définition dans des critères susceptibles d'évoluer.
Les circulaires DH/8D n° 193 du 8 juillet 1987, DH/8D n° 1303 du 19 août 1987, DH/8D n° 9832 du 20 janvier 1989 et DH/FH3 n° 93-41 du 12 novembre 1993 sont venues préciser les modalités d'application du décret du 1er juillet 1987, la dernière rappelant précisément que les directeurs des établissements 'devront examiner les demandes au cas par cas sur la base d'un faisceau d'indices et non en fonction de l'absence de tel ou tel critère, même si dans une situation déterminée cette absence a pu conduire le Conseil d'Etat à se prononcer contre l'octroi d'un congé bonifié'. Ces instructions sont toujours actuelles.
Ces dispositions législatives et réglementaires visent à permettre à des agents qui ont des attaches profondes avec le département d'outre-mer dont ils sont originaires de renouer régulièrement avec un environnement familial et culturel dont ils ont dû s'éloigner.
Certes, l'attribution du congé bonifié suppose la vérification de ce lien profond, mais celle-ci ne peut aboutir à l'exigence - ce qui serait illicite - de critères cumulatifs que les agents demandeurs ne seraient que rarement en mesure de réunir. Cette vérification doit être faite selon l'appréciation de multiples éléments, combinables et variables dans le temps, sans qu'aucun d'entre eux puisse être préalable ou nécessaire. Elle permet d'appréhender le lieu de résidence habituelle d'un agent et de s'assurer que le centre des intérêts matériels et moraux est bien fixé dans le département d'outre-mer où l'agent souhaite passer son congé bonifié.
Un arrêt du Conseil d'Etat du 17 février 1992 (ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation c/Mme Thénard) avait certes conclu que, 'en dépit du fait que ses parents habitent toujours ce département d'outre-mer et qu'elle y soit propriétaire par héritage d'une parcelle de terrain, Mme Thénard doit être regardée comme ayant fixé le centre de ses intérêts matériels et moraux en France métropolitaine au moment de son entrée dans l'administration', et des établissements ont pu s'appuyer sur cet arrêt pour considérer qu'ils devaient refuser le congé bonifié à des agents qui étaient dans une situation analogue.
Cet arrêt ne concerne cependant qu'un cas d'espèce et ne saurait être érigé en principe général. Les jugements restrictifs des tribunaux administratifs de Paris et de Versailles auxquels se sont également référés certains établissements pour justifier leur refus ont par ailleurs été contredits par une jurisprudence de la cour administrative d'appel de Paris en date du 17 février 1998. Il convient donc de s'en tenir à la jurisprudence de la cour administrative d'appel qui est la plus récente et qui est favorable aux agents et non de se référer à des jugements de tribunal administratif qui sont de moindre valeur et qui ont été contredits en appel.
Il ressort de ces éléments que, sur le principe, il convient d'accorder - comme c'est le cas dans la fonction publique de l'Etat - le droit à congé bonifié sur la base d'un faisceau d'indices tel que mentionné dans la circulaire du 12 novembre 1993 et non de le refuser en raison de l'absence de tel ou tel critère, étant entendu que, dans la pratique, l'autorité compétente peut accorder tout ou partie de la bonification pour tenir compte des nécessités du service et trouver un juste équilibre, d'une part, entre les différents demandeurs (durée du congé bonifié et dates de départ et de retour), d'autre part, entre les possibilités de remplacement dans les services affectés par ces demandes en fonction des dates et des disciplines concernées.
Il appartiendra notamment à cette dernière, en cas de refus, de motiver sa décision et de distinguer clairement entre ce qui relève du droit de l'agent à prétendre au congé bonifié et ce qui résulterait de la mise en jeu des nécessités du service.
Je rappelle par ailleurs que, lors de la première mise en place de ces congés bonifiés, des crédits spécifiques ont été alloués hors taux directeur aux établissements pour leur permettre de financer cette mesure et ont été depuis lors inscrits en base et reconduits.
Vous voudrez bien porter sans délai ces instructions à la connaissance des établissements placés sous votre tutelle et me tenir informé, sous le présent timbre, des difficultés qui pourraient se présenter dans leur application.
Références :
modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (Journal officiel du 11 janvier 1986) ;
Décret n° 87-482 du 1er juillet 1987 relatif aux congés bonifiés des fonctionnaires hospitaliers en service sur le territoire européen de la France, dont la résidence habituelle est dans un département d'outremer (Journal officiel du 3 juillet 1987) ;
Circulaire DH/8D n° 193 du 8 juillet 1987 relative à l'application du décret n° 87-482 du 1er juillet 1987 relatif aux congés bonifiés des fonctionnaires hospitaliers en service sur le territoire métropolitain de la France et dont le lieu de résidence habituelle se trouve dans un département d'outre-mer (Bulletin officiel du ministère des affaires sociales et de l'emploi n° 87/39) ;
Lettre-circulaire DH/8D n° 1303 du 19 août 1987 relative aux congés bonifiés dont sont susceptibles de bénéficier les conjoints métropolitains, agents publics, des agents originaires d'un département d'outremer (Bulletin officiel du ministère des affaires sociales et de l'emploi, santé, sécurité sociale et action sociale, n° 87/38) ;
Circulaire DH/8D n° 9832 du 20 janvier 1989 relative au taux d'indemnité de résidence des agents en congé bonifié (Bulletin officiel du ministère de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, n° 90/5) ;
Circulaire DH/FH3 n° 93-41 du 12 novembre 1993 relative aux conditions d'attribution des congés bonifiés aux fonctionnaires hospitaliers.
Textes abrogés : aucun.
La ministre de l'emploi et de la solidarité et le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, Direction des hôpitaux, Bureau FH 1.
Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (pour information) ; Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour attribution]).
Texte non paru au Journal officiel.